L’Association « REINS » de lutte contre les maladies rénales se bat sur tous les fronts. Elle milite pour la promotion du don d’organes, initie des campagnes de sensibilisation au don et la transplantation d’organes mais aussi elle organise de nombreuses campagnes d’inscription sur le registre de don d’organe. C’est un combat sans cesse mené d’arrache-pied à longueur de l’année par l’équipe de cette association, sous la supervision de Amal Bourquia, Professeur en néphrologie et en néphrologie pédiatrique, présidente de l’association « REINS » et experte en éthique médicale.Professeure Bourquia a bien voulu livrer une interview à APA à l’occasion de la Journée mondiale du don et de la transplantation d’organes, célébrée le 17 octobre de chaque année.
Propos recueillis par Hicham Alaoui
Quelle est la situation du don des organes au Maroc ?
La première transplantation rénale avec donneur vivant a été réalisée au Maroc en 1986, cependant et à ce jour le Maroc n’a pu effectuer que 600 transplantations rénales, dont 60 à partir de sujets en état de mort encéphalique, soit environ 17 greffes par million d’habitants depuis 1990, des chiffres dérisoires comparés à la demande. L’analyse de ces chiffres : 600 transplantations rénales depuis 34 ans et près de 1200 donneurs potentiels, permet de constater qu’ils ne traduisent ni le niveau médical du Maroc ni la générosité des Marocains. Au Maroc, un nombre sans cesse croissant de patients décèdent parce qu’ils n’ont pas pu être transplantés. Ils quittent ce monde sans qu’elle ait eu leur chance d’avoir une greffe qui pourrait les sauver. Les candidats éventuels au don d’organes après la mort sont aussi très rares au Maroc malgré les dispositions légales. On peut noter que la loi concernant la greffe d’organes a vu le jour en 1998. Mais très peu de Marocains se sont inscrits aux registres du don d’organes après la mort, près de 1100 personnes dont plus de 700 à Casablanca.
Quels sont les efforts que vous déployez pour la sensibilisation au don ?
Tout d’abord l’association « REINS », est la seule association au Maroc qui travaille pour la promotion du don d’organes en militant sur tous les fronts. Le don d’organes est un acte de générosité, citoyen, permettant de sauver des vies, que l’Islam encourage et que la loi encadre de façon très précise et nous faisons tout pour le promouvoir dans notre société. Notre association a engagé de nombreuses actions depuis plus de quinze ans pour sensibiliser la population mais également les professionnels de la santé. Parmi ces actions, « REINS » a développé régulièrement des actions de communication et d’information pour être proche du citoyen et l’aider à faire son choix en ayant toutes les informations nécessaires.
REINS a donc produit de très nombreux documents très variés touchant tous les aspects du don en langue Française et arabe : des livres, des dépliant, des affiches… Elle a aussi créé et gère de nombreux réseaux sociaux dont le site web www.reins.ma qui fournit d nombreuses informations, quatre pages Facebook dont celle du « réseau marocain pour le don d’organes », produit des films institutionnels. Elle a également organisé des sessions de signatures du registre du don au niveau des tribunaux de première instance (Casablanca, Rabat, Tanger…).
Selon vous, quelle serait la mesure la plus efficace pour aboutir à un don massif des organes ?
Il est certain que pour le développement de la greffe d’organes au Maroc, nous plaidons pour le changement de la loi pour que les Marocains deviennent tous donneurs potentiels en dehors de ceux qui exprimeraient leur refus. C’est la seule voie actuelle qui pourraient aider à sauver les personnes en attente de greffe. Un militantisme dans ce sens paraît essentiel. Forte de son expérience et de ses actions inlassables tendant à promouvoir le don d’organes dans notre pays, l’Association REINS continue de plaider pour aider les patients dialysés à sortir de la dialyse par le développement de la greffe.
Force est de constater que le Maroc accuse un grand retard, en matière de greffe d’organes en général et rénale en particulier. Chaque jour, des hommes, des femmes et des enfants meurent parce qu’ils n’ont pas pu être transplantés au moment opportun… Ils quittent ce bas monde alors que la médecine aurait été en mesure de les sauver. Pour parler de la transplantation rénale le Maroc compte près de 32.000 patients sous dialyse qui espèrent ardemment d’être transplanté, pour soulager leur souffrance et améliorer la qualité de leur vie.
La transplantation d’organes demeure une thérapeutique peu développée au Maroc. Jusqu’à la fin 2020, près de 600 malades ont pu être greffés du rein, essentiellement avec des donneurs vivants et une soixantaine avec donneurs en état de mort cérébrale. Alors qu’un nombre important et non identifié en attente d’un organe vitale comme le cœur ou le foie, meurt faute d’être transplante. Au Maroc, le don d’organes reste très insuffisant et ce pour de nombreuses raisons. Plusieurs problèmes limitent l’accès à la transplantation, dont l’insuffisance de fonds alloués, le manque d’informations et la faible sensibilisation. Une réflexion nationale, avec l’implication de tous les acteurs, s’avère nécessaire pour optimiser les dépenses et concevoir une stratégie pour le futur où l’on verrait la transplantation rénale comme une alternative indispensable.