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Harvey Weinstein ou la chute d’un producteur de cinéma visionnaire

Il était un producteur de cinéma visionnaire, faiseur d'Oscars, donateur du parti démocrate. Sa condamnation lundi pour agressions sexuelles, qui…

Il était un producteur de cinéma visionnaire, faiseur d’Oscars, donateur du parti démocrate. Sa condamnation lundi pour agressions sexuelles, qui lui fait risquer jusqu’à 29 ans de prison, confirme la descente aux enfers d’Harvey Weinstein, considéré comme l’incarnation du prédateur sexuel par le mouvement #MeToo.

L’accession au gotha d’Hollywood de ce fils d’un diamantaire new-yorkais avait pris des années, il devint paria en quelques jours. En octobre 2017, le New York Times et le New Yorker publient les témoignages de femmes, actrices ou mannequins pour la plupart, accusant le producteur de les avoir agressées sexuellement, puis de les avoir parfois payées pour se taire.

Trois semaines après, plus de 80 femmes, dont des célébrités comme Ashley Judd, Angelina Jolie, Salma Hayek ou Léa Seydoux, l’avaient accusé de harcèlement ou d’agressions allant du baiser forcé au viol, à New York, Los Angeles, Cannes, Paris, Londres ou Toronto, sur plus de trois décennies.

Harvey Weinstein, 67 ans, marié deux fois et père de cinq enfants, a eu beau maintenir que ses relations étaient toutes consenties, le #MeToo était né: ce mouvement a dénoncé les abus sexuels présumés de centaines d’hommes de pouvoir.

Celui qui était la coqueluche des festivals du 7e art est banni de l’Académie du cinéma qui remet les Oscars. Les plaintes contre lui au civil se multiplient.

Le 25 mai 2018, il est inculpé à New York, mais pour deux agressions seulement, une en 2006 et l’autre en 2013. Les images du producteur menotté font le tour du monde.

En liberté surveillée jusqu’à son procès, il fait profil bas pendant des mois.

Peu avant le début du procès en janvier, il donne une rare interview, qui suscitera un tollé.

« J’ai fait plus de films réalisés par des femmes et sur des femmes que n’importe quel producteur (…) J’étais le premier! J’étais le pionnier! », déclarait-il au New York Post.

Lorsque six femmes commencent à témoigner contre lui fin janvier, il semble confiant, assis aux côtés de ses avocats.

Au fil des audiences, il lâche parfois quelques mots ou quelques sourires narquois aux journalistes. Après d’ultimes hésitations, il ne témoignera néanmoins pas, pour ne pas risquer de s’incriminer.

Lundi, après avoir été déclaré coupable d’agression sexuelle et de viol — mais exonéré d’accusations plus graves qui auraient pu lui valoir la perpétuité –, M. Weinstein, qui a paru physiquement affaibli pendant le procès, se déplaçant souvent avec un déambulateur, n’a montré aucune émotion.

Les huissiers l’ont emmené après le prononcé du verdict, et il n’a fait aucune déclaration. Son avocate Donna Rotunno, habituée aux déclarations controversées, a assuré qu’il avait pris le verdict « comme un homme ».

– Roi des Oscars –

Beaucoup d’accusations contre Harvey Weinstein datent des années 1990 ou du début des années 2000, les grandes années de Miramax, le studio qu’il créa en 1979 avec son frère cadet Bob (Mira pour leur mère Miriam, Max pour leur père).

Après « Sexe, mensonges et vidéo », de Steven Soderbergh, encensé par la critique en 1989, Miramax produit le premier succès de Quentin Tarantino, « Pulp Fiction » (1994), puis « Le Patient anglais » (1997, neuf Oscars) ou « Shakespeare in Love » (1998, sept Oscars).

Les frères Weinstein revendent Miramax à Disney dès 1993, mais y travaillent jusqu’en 2005, année où ils lancent The Weinstein Company, qui produira encore de grands succès, comme « Inglourious Basterds » de Tarantino (2009), « Le Discours d’un roi » (2010) ou « The Artist » (2011).

De 1990 à 2016, le producteur, surnommé « Harvey les ciseaux » pour ses interventions féroces au montage, décrocha 81 fois les célèbres statuettes d’Hollywood.

Lors de la cérémonie des Golden Globes en 2012, Meryl Streep le qualifia, en riant, de « Dieu ».

Aujourd’hui, s’il inspire Hollywood, c’est comme personnage maléfique: un thriller inspiré du scandale, « The Assistant », est sorti fin janvier et au moins un autre est en gestation, produit par Brad Pitt.

Un temps, sa fortune était évaluée entre 240 et 300 millions de dollars, et il contribuait généreusement aux campagnes de candidats démocrates, dont Barack Obama et Hillary Clinton.

Si ses avocats ont obtenu un pré-accord de 25 millions de dollars pour solder la plupart des plaintes déposées contre lui au civil, sans qu’il ait à verser un centime, l’argent lui file désormais entre les doigts.

Il a vendu depuis deux ans cinq de ses propriétés, pour 60 millions de dollars, selon l’accusation.

La Weinstein Company a disparu: mise en faillite, ses actifs ont été rachetés par le fonds d’investissement Lantern.

Il doit payer les pensions alimentaires de ses ex-femmes — la deuxième, la styliste Georgina Chapman, l’a quitté après le scandale — et des millions de dollars d’honoraires à ses avocats.

Mais il n’a peut-être pas dit son dernier mot. Ses avocats, qui ont affirmé tout du long que la médiatisation de son dossier le condamnait d’avance, ont promis lundi de faire appel.


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