Des affrontements avec la police ont fait des dizaines de blessés mercredi sur les îles grecques de Lesbos et Chios, où les habitants protestaient pour le deuxième jour consécutif contre la construction de nouveaux camps pour les migrants.
A Lesbos, des centaines de personnes rassemblées à Mantamados, un village proche du site de construction d’un nouveau camp, ont jeté des pierres vers la police, qui a riposté avec du gaz lacrymogène, des grenades assourdissantes et des balles en plastique, selon un photographe de l’AFP.
« Nous sommes en temps de guerre. (La police) a les armes, nous avons nos coeurs et nos âmes », a déclaré un prêtre local, le père Stratis.
« Vous allez mourir ici », a crié un manifestant aux policiers tandis que d’autres insultaient les forces de l’ordre.
Lors des affrontements, qui ont duré toute la journée, dix manifestants et quarante policiers ont été blessés, selon une source policière.
Mercredi soir, environ 2.000 personnes se sont rassemblés devant une caserne où se trouvaient les policiers et ont tenté d’y pénétrer. La police anti-émeute a riposté avec du gaz lacrymogène.
A Chios, 2.000 personnes ont aussi manifesté contre le projet de construction d’un nouveau camp. Selon des médias locaux, un groupe de manifestants a fait irruption dans une chambre d’hôtel occupée par des policiers et les ont tabassés.
Huit policiers ont été blessés à Chios, a indiqué à l’AFP un porte-parole de la police du nord de la mer Egée.
Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a appelé « au calme ».
« Les travaux de construction ont déjà commencé (…) les nouveaux camps sont situés très loin des régions urbaines », a-t-il affirmé.
Face à la colère des habitants contre les forces anti-émeutes, le porte-parole du gouvernement Stelios Petsas a annoncé mercredi soir qu' »une partie de policiers » arrivés sur les îles la veille de la Grèce continentale pour renforcer la sécurité « allait quitter les îles ».
– « Sommes-nous en guerre? » –
Mardi, des affrontements avaient déjà eu lieu à Lesbos et Chios avec les policiers protégeant les chantiers.
Plus de 38.000 demandeurs d’asile s’entassent dans des conditions sordides dans les camps actuels des îles de Lesbos, Samos, Chios, Leros et Kos, officiellement prévus pour 6.200 personnes.
Les habitants des îles, qui vivent depuis 2015, lors de la grande crise migratoire, avec les migrants réclament leur transfert en Grèce continentale et s’opposent aux projets de construction de nouveaux camps du gouvernement.
« Nous nous battons également pour ceux qui veulent partir pour un endroit meilleur. Nous voulons qu’ils partent », a déclaré le père Stratis. « Nous accepterons les réfugiés de guerre, mais les criminels devraient partir ».
Le gouvernement conservateur, arrivé au pouvoir en juillet, a annoncé que les camps de Lesbos, Samos et Chios seraient fermés cette année pour être remplacés par de nouvelles installations « fermées », plus petites, qui devraient être opérationnelles mi-2020.
Après des semaines de pourparlers infructueux avec les autorités locales, le gouvernement a envoyé lundi par bateau des engins de chantier et la police antiémeute, provoquant l’indignation.
Les partis d’opposition ont dénoncé une décision antidémocratique et les responsables locaux une tentative « barbare » de « transformer de force Lesbos et Chios en prisons ».
L’Etat avait déjà mis en colère les insulaires courant février en annonçant que des terres pourraient être réquisitionnées pour une période de trois ans pour construire les nouveaux camps.
« Il y a une limite à notre patience. Ils réquisitionnent des terres et amènent la police antiémeute, utilisent les lacrymogènes contre les gens. Sommes-nous en guerre ? », s’est indigné Stratos Paspalas, un boucher à la retraite à Lesbos.
Le gouvernement avait tenté à plusieurs reprises, en vain, de convaincre les autorités locales de la nécessité de ces nouveaux camps.
Mardi, le gouvernement avait mis en avant l’apparition de cas de coronavirus en Europe pour justifier la construction de ces camps. Ces cas « peuvent être gérés rapidement et efficacement dans une structure fermée, non dans une structure ouverte qui constitue une bombe sanitaire », avait dit le porte-parole du gouvernement.