La répression des manifestations en Guinée contre la candidature pour un troisième mandat d’Alpha Condé « a causé la mort d’au-moins 50 personnes en moins d’un an », révèle un rapport d’Amnesty International reçu jeudi à APA.Les chiffres et faits relatés font froid dans le dos. Dans son nouveau rapport, intitulé « Marcher et mourir : Urgence de justice pour les victimes de la répression des manifestations en Guinée », l’ONG des droits de l’homme pointe la « responsabilité des forces de défense et de sécurité dans des homicides illégaux »de manifestants et de passants.
Ces meurtres se sont passés, entre octobre 2019 et juillet 2020, au cours de la tension sociopolitique née de la réforme constitutionnelle permettant au président Condé de briguer un troisième mandat.
L’élection présidentielle est prévue dans un peu plus de deux semaines, précisément le 18 octobre. Douze candidats, dont le sortant Condé, son principal opposant Cellou Dalein Diallo ainsi que deux femmes, sont en lice.
Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui regroupe des partis, des syndicats et des groupes de la société civile, a fait campagne contre la révision constitutionnelle adoptée en mars, qu’il a dénoncée comme un coup d’État institutionnel.
Une partie de l’opinion, la constitution guinéenne stipule que les présidents ne peuvent exercer que deux mandats. Mais selon certains analystes, la nouvelle constitution remet à zéro le compteur des mandats présidentiels et lui permet de se présenter une troisième fois. C’est le point de vue défendu par Alpha Condé et son parti le RPG.
Ainsi entre octobre 2019 et février 2020, documente le rapport d’Amnesty, plus de 30 personnes ont perdu la vie lors de manifestations contre le projet de changement constitutionnel. « Parmi elles, 11 ont été tuées par balles, touchées à la tête, au thorax ou à l’abdomen ».
L’ONG fait aussi état de 200 blessés, d’arrestations et détentions arbitraires et au secret d’au-moins 70 personnes pendant la même période. Par peur de représailles, plusieurs blessés par balle ont fui leur domicile. Des autorités hospitalières ont aussi refusé d’accueillir les corps de victimes tuées lors de certaines manifestations, note aussi le rapport.
Ce rapport, souligne Amnesty, est basé sur des entretiens menés avec plus de 100 personnes et des analyses de documents officiels, de vidéos et de photographies. Ainsi, il apporte la preuve que les autorités ont agi « en contradiction avec les normes nationales et internationales ». Les forces de défense et de sécurité « ont eu recours aux armes à feu de manière illégale dans plusieurs villes du pays ».
« Nous avons parlé à des familles meurtries qui nous ont décrit comment leurs enfants ont perdu la vie, victimes d’une balle reçue dans le dos, à la poitrine, à la tête ou au cou. Des blessés nous ont montré leurs graves séquelles au bras, genou ou pied, causées par des armes à feu, des grenades lacrymogènes ou même des véhicules des forces de sécurité », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
« Exercer son droit à la liberté de réunion pacifique reste toujours dangereux en Guinée, où l’impunité des violations des droits humains est demeurée la règle pendant ces dix dernières années. Des actes concrets sont attendus de la part des autorités pour que justice soit rendue aux victimes et à leurs familles », invite-t-elle.