A l’occasion de la 78e Session de l’Assemblée générale qui s’est ouvert ce 21 septembre 2023, le président centrafricain, comme ses pairs a fait une déclaration sur la tribune des Nations-Unies.
Placé sous le thème : « Rétablir la confiance et raviver la solidarité : accélérer l’action menée pour réaliser le Programme 2030 et ses objectifs de développement durable en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité pour tous », les travaux de la 78e Session de l’Assemblée générale des Nations-Unies sont en cours.
Après la déclaration du Secrétaire général, Antonio Guterres, Faustin Archange Touadéra et plusieurs chefs d’Etats et de gouvernements ont fait des déclarations.
Le discours intégral du président centrafricain.
– Monsieur le Président de l’Assemblée Générale;
La 78ème Session de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies, à laquelle je participe au nom de mon beau pays, la République Centrafricaine, m’offre l’heureuse occasion de réaffirmer notre inflexible détermination de contribuer à la recherche de solutions communes aux défis de l’humanité.
Monsieur le Président ;
Avant d’apporter la contribution de mon pays au débat général, je voudrais, du haut de cette tribune des Nations Unies, symbole par excellence de la solidarité humaine, exprimer la solidarité du peuple centrafricain aux peuples frères du Maroc et de la Libye, durement frappés par des catastrophes naturelles ayant entraîné des milliers de pertes en vies humaines et des dégâts matériels inestimables quelques jours avant l’ouverture de notre Session.
Comme je l’ai soutenu en d’autres occasions, les conséquences dramatiques de ces catastrophes naturelles doivent interpeler la communauté scientifique mondiale sur l’urgence d’identifier les régions du monde particulièrement vulnérables à des événements climatiques extrêmes, et de mettre à la disposition des Etats concernés les informations nécessaires afin d’en limiter les dégâts.
Par ailleurs, le monde entier a suivi avec une profonde consternation l’arrivée massive, ces derniers jours, des milliers de migrants africains sur l’île de Lampedusa, en Italie.
Ces jeunes qui représentent le présent et l’avenir de notre continent, l’Afrique, cherchent désespérément à rejoindre les pays du continent européen, à la recherche d’un eldorado.
Cette escalade de la crise des migrants est l’une des conséquences effroyables des pillages des ressources naturelles des pays rendus pauvres par l’esclavage, la colonisation, l’impérialisme occidental, le terrorisme et les conflits armés internes souvent ouverts sur fond de visées hégémoniques, des tensions géopolitiques et géostratégiques entre les grandes puissances mondiales.
Tout en regrettant ce phénomène déshumanisant, je salue la solidarité et les efforts inouïs déployés par les pays d’accueil et l’Organisation Internationale pour les Migrations, pour fournir l’assistance à ces jeunes dont les vies sont mises en danger par des passeurs et vendeurs d’illusions sans foi ni loi.
Toutefois, mon pays estime que l’ONU doit aller au-delà de notre engagement commun à raviver la solidarité mondiale, en impliquant les pays africains dans la recherche des solutions globales aux crises migratoires et aux défis existentiels qui se posent aux jeunes du continent africain.
Monsieur le Président ;
Alors que nos pays continuent de faire face aux chocs climatiques, aux tensions géopolitiques et aux défis financiers, énergétiques et alimentaires sans précédent, de nouveaux défis mondiaux se révèlent chaque jour.
Aujourd’hui, en Afrique comme ailleurs, des conflits, symptômes des tensions géopolitiques et géostratégiques qui divisent les grandes puissances, sont ouverts.
Au Soudan, un conflit armé interne d’une rare cruauté a éclaté, en avril 2023, alors même que le pays était sur la voie de la normalisation avec un processus de dialogue prometteur entre toutes les forces vives de la nation.
La République Centrafricaine a déjà enregistré 51.077 réfugiés soudanais et tchadiens, dans la Préfecture de la Vakaga, exposant ainsi nos populations certes résilientes, à des risques d’aggravation de la situation humanitaire encore délétère et d’insécurité.
J’en appelle à une prise en considération de l’impact de cette crise sur la géopolitique régionale ainsi qu’à la solidarité internationale en faveur des réfugiés.
Et pendant que nous tenons cette Session, le conflit russo-ukrainien se poursuit sur le terrain sans aucune perspective de règlement pacifique, alors que les conséquences pour le monde sont douloureuses et regrettables.
Monsieur le Président ;
La persistance et la multiplication des foyers de tensions à travers le monde soulèvent des interrogations quant à l’efficacité de certains mécanismes de prévention et de règlement pacifique des différends de l’ONU dont la mission première est de garantir la paix et la sécurité internationales.
C’est pourquoi, nous réaffirmons avec force la Position Africaine Commune sur la réforme du Conseil de Sécurité de l’ONU, afin d’augmenter le nombre des membres permanents et non permanents et d’accorder un siège permanent à l’Afrique, et ce ne sera que justice.
La République Centrafricaine estime qu’il est urgent de réparer ces injustices historiques subies par l’Afrique, au regard des agendas importants tels que le Sommet du futur en 2024 et le 80ème anniversaire des Nations Unies en 2025 qui pourront être des occasions d’unir les pays membres afin de prendre des mesures concrètes pour ladite réforme.
Monsieur le Président,
La République Centrafricaine s’interroge sur le point de savoir : comment accélérer la réalisation de l’Agenda 2030 en faveur de la paix, de prospérité, du progrès et de la durabilité pour tous, lorsque certains Etats, du haut de leur puissance politique, économique et militaire, agitent en permanence la diplomatie coercitive ou instrumentalisent les institutions financières internationales aux fins d’imposer des blocus économiques, financiers et commerciaux contre les pays rendus pauvres par l’esclavage, la colonisation et l’impérialisme ?
En effet, le 29 juillet 2023, le peuple centrafricain a appris avec une grande désolation la reconduction de l’embargo sur les armes, motivée par des rapports et exposés des motifs tronqués, avec une fallacieuse dérogation pour les forces de sécurité nationale.
La République Centrafricaine dénonce à la face du monde cette cynique décision qui trahit l’intention inavouée des membres du Conseil qui l’ont votée, d’instrumentaliser les régimes de sanctions à des fins de pressions politiques, sous l’égide de l’ONU.
Je dois rappeler, pour le déplorer, que les embargos sur les armes et diamants reconduits depuis 10 ans, auxquels s’ajoute la suspension des appuis budgétaires, constituent de réels obstacles à la réalisation par mon pays des objectifs de l’Agenda 2030.
Nous récusons ce déni de notre droit à l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur nos richesses et ressources naturelles, garanti par les instruments juridiques pertinents des Nations Unies.
J’exhorte le Conseil de Sécurité à faire cesser ces artifices qui visent à masquer la volonté de pérenniser l’insécurité et la mainmise sur les ressources naturelles du pays au profit des puissances étrangères, consacrent la légitimation des groupes armés et leur accordent le statut de sujet de droit international.
Monsieur le Président,
Notre planète brûle ; notre planète se noie, le monde s’effondre ; le monde pleure.
Oui, chaque jour, les médias annoncent des catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique qui s’apparentent à des signes annonciateurs de l’apocalypse.
Paradoxalement, la confiance et la solidarité entre les Nations, valeurs fondatrices des Nations Unies, se fracturent davantage, éloignant ainsi la communauté humaine de la réalisation des objectifs nobles de développement durable en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité pour tous, prévus dans le Programme 2030.
Pourtant, pour rétablir la confiance et raviver la solidarité face aux phénomènes climatiques dévastateurs, des engagements ont été pris par les pays développés, grands pollueurs, depuis l’Accord de Paris en passant par ceux de Glasgow et de Charm-El-Cheikh en Egypte.
La COP 27, en particulier, a utilement fixé quatre grands objectifs que nous avons tous adoptés, à savoir : l’atténuation, l’adaptation, le financement et une transition juste, afin de faire face aux défis communs de l’humanité.
Malheureusement, beaucoup de pays dont la République Centrafricaine, victimes innocentes des conséquences dramatiques de la surexploitation de la planète par les pays développés, ne bénéficient pas des promesses de financement faites.
Monsieur le Président,
Nous mesurons à sa juste valeur l’apport des partenaires aussi bien bilatéraux que multilatéraux dans leur élan de solidarité envers l’Afrique, notre continent, et les en remercions infiniment.
Cependant, nous en appelons à un partenariat plus agissant, évolutif et diversifié, respectueux de la souveraineté des Etats, des valeurs culturelles et morales de tous.
Ce n’est que de cette manière que nous pouvons raviver la flamme de l’amitié entre les peuples, promouvoir la paix et la sécurité et créer les conditions d’un développement équitable et inclusif.
Mon pays continue de plaider pour un multilatéralisme inclusif, pour une croissance mutuellement accélérée, pour un ordre mondial équilibré et pour que les différends mondiaux soient relevés en mettant un accent particulier sur la paix et la sécurité internationales, le respect de la souveraineté de chaque Etat.
Je voudrais saisir cette occasion pour dénoncer toutes les campagnes de désinformation et de dénigrement menées par certains médias occidentaux contre la République Centrafricaine.
Je réaffirme ici la détermination de mon pays à diversifier sa coopération internationale avec tous les pays qui le souhaitent, dans les seuls intérêts vitaux de son peuple, et à éviter d’être entraîné dans des compétitions entre puissances mondiales.
Monsieur le Président ;
En adoptant par référendum, le 30 juillet dernier, la nouvelle Constitution de la République Centrafricaine, à une majorité écrasante de 95, 3% et un taux de participation de plus de 57%, le peuple centrafricain vient de réaffirmer son attachement aux buts et principes énoncés dans la Charte de l’ONU, son droit inaliénable au respect de sa souveraineté, à l’autodétermination, à la stabilité des institutions, à la paix, à la sécurité, à l’unité nationale et au développement.
Pour accélérer la réalisation du Programme 2030 et ses objectifs de développement durable en faveur de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité pour tous, le Gouvernement poursuit l’exécution de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation et que de la Feuille de Route Conjointe de Luanda et s’investit pour renforcer l’engagement de toutes les parties prenantes.
Dans le cadre de la mise en œuvre de ces instruments de paix et de sécurité nationale, neuf groupes armés ont déjà été dissouts.
Parallèlement, la Cour Pénale Spéciale et les juridictions ordinaires poursuivent en toute indépendance, la lutte contre l’impunité.
Je voudrais rappeler qu’au-delà de la Constitution, notre politique nationale de décentralisation est à la fois une aspiration profonde du peuple centrafricain et une composante essentielle de l’Accord de paix et de la Feuille de Route Conjointe de Luanda.
Je voudrais relever tous les efforts déjà entrepris par l’Autorité Nationale des Elections avec le soutien de l’assistance technique internationale, qui nous ont permis de réévaluer le calendrier électoral qui prévoit désormais la tenue des élections locales pour le mois d’octobre 2024.
Il s’agit pour nous d’une étape fondamentale dans notre marche vers l’ancrage local de la démocratie, la promotion de la gouvernance participative et du développement local.
C’est en cela que nous voulons ces élections locales inclusives, transparentes, pacifiques et crédibles.
J’exhorte tous nos partenaires à soutenir le Gouvernement pour l’achèvement du processus électoral si bien entamé.
Je souhaite plein succès à nos travaux et vous remercie de votre aimable attention.