Coronavirus: des ouvriers du Dakota envoyés à l’abattoir

Ancien réfugié érythréen en Ethiopie, Andom Yosef passe depuis des années ses nuits à découper des carcasses de porcs dans une usine du Dakota du Sud. Comme plus de 700 de ses collègues, la plupart immigrés, il a attrapé le coronavirus.

Depuis qu’il est arrivé, en 2007, dans ce coin reculé des Etats-Unis à la recherche d’une vie meilleure, il ne s’est jamais plaint des conditions de travail pourtant particulièrement pénibles: « Mon boulot n’est pas si dur par rapport à d’autres ».

Après avoir enduré pendant sept ans la misère d’un camp de réfugiés, il s’est habitué sans rechigner aux quarts nocturnes, dans le froid, à la promiscuité sur les lignes de production et à la répétition de tâches physiques et ingrates.

Mais lorsque le nombre de cas positifs au Covid-19 a commencé à exploser entre les murs de briques de l’usine, Andom Yosef, 38 ans, n’a pas pu cacher son inquiétude.

« J’ai demandé à être testé. J’ai eu un rendez-vous et on m’a dit après trois ou cinq jours que j’étais positif, qu’il ne fallait plus que j’aille travailler et que je devais rester à la maison », raconte-t-il à l’AFP sur le pas de sa porte.

En quarantaine depuis près de deux semaines avec sa compagne et ses deux enfants, il dit à travers son masque de protection qu’aucun d’entre eux n’a présenté le moindre symptôme.

– Tour de Babel industrielle –

L’entreprise Smithfield Foods emploie à Sioux Falls, la plus grande ville du Dakota du Sud, quelque 3.700 personnes pour abattre, découper, cuire et empaqueter les milliers de cochons qui arrivent chaque jour dans son énorme complexe dressé sur les bords de la rivière Big Sioux.

Une tour de Babel industrielle au sein de laquelle se côtoient immigrés et réfugiés d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique souvent reconnaissants d’y avoir trouvé, sans qualifications, un emploi payé légèrement au-delà du salaire minimum.

« On aime cette entreprise, elle nous a permis d’élever nos enfants », confie Abebe Lamesgin, arrivé d’Ethiopie il y a une quinzaine d’années avec sa femme, ouvrière chez Smithfield.

Leur rêve américain — maison avec garage individuel dans une banlieue résidentielle proprette, réussite sociale des deux aînés, diplômés — a viré à l’aigre lorsque madame a été diagnostiquée positive au coronavirus.

« L’entreprise pour laquelle je travaille nous a informés sur la maladie et la façon de s’en protéger. Smithfield n’a rien fait », regrette Abebe Lamesgin, menuisier de 54 ans également prêtre à ses heures d’une église orthodoxe éthiopienne.

« Ils doivent faire des profits, gagner de l’argent, c’est une bonne chose. Mais sans les gens, il n’y a pas de bénéfices », assène-t-il d’un ton martial, l’index levé comme s’il prêchait devant ses fidèles.

– « Les uns sur les autres » –

Kooper Caraway, jeune président de la section locale d’un syndicat ouvrier, affirme que « la sonnette d’alarme » a été tirée dès début mars, mais que la direction de Smithfield n’a à l’époque « pas pris la menace suffisamment au sérieux ».

« C’est un vieux bâtiment, les couloirs et les escaliers sont très étroits. Les travailleurs sont les uns sur les autres dans les vestiaires, à la cantine… L’usine n’a pas été conçue pour la distanciation sociale », décrit le leader syndicaliste de 29 ans.

Résultat: avec plus de 900 cas — 761 parmi les employés et 143 chez leurs proches, selon les derniers chiffres mardi — et deux décès, l’usine de Sioux Falls est devenue le plus gros foyer de contagion des Etats-Unis sur un site unique.

Smithfield Foods assure dans un communiqué à l’AFP « faire tout ce qui est en (son) pouvoir pour protéger (sa) main d’oeuvre » et liste une série de mesures prises à cet effet, comme la multiplication des distributeurs de gel désinfectant, l’installation d’écrans en plexiglas ou la prise de température à l’entrée du site.

– Prime de 500 dollars –

L’entreprise « dément » par ailleurs « fermement » avoir voulu forcer la main des ouvriers en promettant une prime de 500 dollars à ceux qui n’auraient pris aucun jour de congé maladie en avril.

Elle évoque une récompense exceptionnelle pour le « dévouement » de ses troupes en temps de crise; les syndicats y voient eux une « incitation irresponsable » à aller travailler même en étant malade.

« Il est beaucoup plus facile pour la direction d’écrire un chèque que de s’assoir pour remettre en question son modèle de production et ses mesures de sécurité », soupire Kooper Caraway dans son local syndical.

Sous la pression des autorités de l’Etat, l’usine de Sioux Falls, qui représente à elle seule 4 à 5% de la production de porc aux Etats-Unis, a fermé ses portes le 12 avril jusqu’à nouvel ordre.

Les colonnes de fumée qui s’élèvent habituellement dans le ciel de la ville ont disparu. Les semi-remorques stationnent à vide devant les plateformes de chargement et seules quelques voitures abandonnées occupent encore les immenses parkings de terre réservés aux employés.

Payé par l’entreprise pendant sa quarantaine, l’Erythréen Andom Yosef dit n’avoir « pas peur », une fois qu’elle rouvrira, de retourner travailler à l’usine pour nourrir les Américains confinés.

Même si, ironie du sort et de la mondialisation, Smithfield Foods appartient à un groupe chinois.

Ethiopian Airlines, la première compagnie africaine, se bat « pour sa survie »

Début mars, le Pdg d’Ethiopian Airlines, Tewolde Gebremariam, affirmait lors d’une conférence aéronautique à Addis Abeba que la pandémie de nouveau coronavirus n’était qu’un « problème temporaire », comparable à un désastre naturel ou à une hausse brutale du prix du pétrole.

Un mois plus tard, le discours de M. Tewolde a radicalement changé. La première compagnie aérienne d’Afrique est en « lutte pour sa survie », reconnaît-il. Et pour y parvenir, elle cherche à augmenter son activité de fret et à retarder les paiements dus pour la location d’avions.

« Pour être honnête, jamais je n’aurais pensé que nous en arriverions là », concède M. Tewolde dans une interview à l’AFP. « Je n’aurais jamais pensé que ça se répandrait comme ça, à cette vitesse, et avec une telle ampleur. Ca va juste trop vite, ça coûte trop cher et c’est au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer. »

En Afrique, les compagnies aériennes pourraient perdre 6 milliards de dollars (5,5 milliards d’euros) de revenus passagers en 2020 à cause du coronavirus, comparé à l’année 2019, selon l’Association internationale du transport aérien (Iata).

Ethiopian Airlines, joyau détenu par l’État de l’économie éthiopienne et source vitale de devises étrangères, a déjà annoncé avoir perdu 550 millions de dollars de revenus depuis janvier.

« Si vous vous mettez à ma place, la seule manière d’avancer pour Ethiopian Airlines est d’augmenter ou de concentrer ses ressources, son énergie et son temps sur des secteurs qui ne sont pas affectés par le coronavirus », constate M. Tewolde.

La compagnie a commencé à jouer un rôle majeur dans la lutte contre le coronavirus en Afrique en distribuant de l’équipement médical sur tout le continent. Malgré ça, elle pourrait ne pas pouvoir survivre plus de trois mois avant de devoir chercher de l’aide financière à l’extérieur, prévient son Pdg.

« Est-ce que nous serons capables de résister avec seulement 15% de nos revenus? », s’interroge-t-il, en référence à ce que rapporte l’activité fret. « Pour une courte période oui. Mais pour combien de temps? C’est difficile à prédire. »

– Hausse des activités de fret –

Lors des premières semaines après l’apparition de la pandémie en Afrique, Ethiopian Airlines a été critiquée en Ethiopie pour avoir maintenu ses vols vers la Chine, d’où provient le virus, à la différence de ses concurrents comme Kenya Airways.

Mais M. Tewolde assure que si c’était à refaire, il reprendrait la même décision. Il souligne que le premier cas officiellement recensé de Covid-19 en Ethiopie a été un Japonais arrivé dans le pays depuis le Burkina Faso.

Les routes chinoises constituent aujourd’hui le cœur des opérations de fret d’Ethiopian Airlines, alors que le monde entier tente de se fournir en équipements médicaux produits en Chine.

Mais cette tâche est rendue plus difficile par la baisse vertigineuse du trafic passager, les avions passagers pouvant aussi transporter des marchandises.

« En ce moment, on manque cruellement d’avions cargo en partance de Chine », observe Craig Jenks, de la société new-yorkaise de conseil aéronautique Airline/Aircraft Projects Inc. consultancy.

Le coût des vols cargo longue distance est « au moins le double de la normale », ajoute ce dernier.

Au début de la crise, Ethiopian Airlines avait 12 avions dédiés au fret. La compagnie a depuis modifié « 10 à 15 » avions passagers en enlevant les sièges pour renforcer sa flotte, explique M. Tewolde.

Elle reste assez loin des capacités cargo de concurrents comme Emirates ou Qatar Airways. Mais selon M. Jenks, elle peut espérer tirer à terme de ses opérations de fret jusqu’à 40% de ses revenus habituels.

– La même stratégie à long terme –

Ethiopian Airlines se consacre également à des activités propres à cette ère nouvelle du coronavirus.

De hauts responsables américains et japonais l’ont ainsi remerciée pour avoir rapatrié certains de leurs compatriotes depuis des pays africains.

Lundi, la compagnie a fini de distribuer le second lot de masques, kits de dépistage, ventilateurs et autres équipements médicaux donnés aux pays africains par le milliardaire chinois Jack Ma.

Et la semaine dernière, l’Éthiopie et les Nations unies ont ouvert une plate-forme de transport humanitaire à l’aéroport d’Addis Abeba pour acheminer des équipements et des travailleurs humanitaires à travers l’Afrique.

Mais alors que le coût financier de la crise ne fait que s’accroître, Ethiopian Airlines a commencé à discuter d’un report des versements liés à la location d’avions et pourrait aussi réclamer un délai pour le remboursement de 2 milliards de dollars de dette.

La compagnie se dit déterminée à ne licencier aucun de ses employés permanents, mais n’exclut pas de devoir imposer des baisses de salaire si la crise devait perdurer, selon M. Tewolde.

Il estime que l’expansion actuelle du secteur du fret pourrait fléchir dès le mois de juin, alors que le trafic passager pourrait continuer à tourner au ralenti longtemps après que les pays auront levé les restrictions sur les vols.

Malgré tout, Ethiopian Airlines n’a pas modifié sa stratégie de croissance à long terme, qui passe notamment par la construction d’un nouvel aéroport d’un coût de 5 milliards de dollars à Addis Abeba. « Nous ferons tout pour survivre », assure son Pdg.

En Algérie, les détenus « oubliés » du Hirak

Ils sont les « oubliés » du mouvement populaire (« Hirak ») antirégime en Algérie. Des dizaines de détenus qui attendent leur procès, certains depuis plus d’un an, dans un silence assourdissant et un isolement accentué par la crise sanitaire due au nouveau coronavirus.

Ils ne jouissent pas du statut d’opposant politique, vivent souvent loin d’Alger, la capitale du Hirak, et sont parfois assimilés à des voyous. Face à l’indifférence quasi générale, leurs familles ne savent plus vers qui se tourner.

C’est ainsi que des groupes de mères de détenus se sont créés, après des rencontres dans les prétoires algérois, pour partager leurs déboires. Aujourd’hui, ces compagnes d’infortune se soutiennent mutuellement pour sauver leurs enfants.

Zakia Hanane est la mère de Zinedine, 32 ans, arrêté le 1er mars 2019 à Alger au retour d’une manifestation du Hirak après que deux voisins du quartier sont montés dans la même voiture que lui. L’un deux, réparateur TV, a reconnu avoir ramassé un écran plasma dans la rue pour récupérer les pièces. Mais la justice les a tous mis dans le même sac et les a accusés de vandalisme.

« Le +Hirak+ et la justice les ont oubliés, et avec le coronavirus ils paient lourdement cet oubli. C’est la double peine avant le jugement », se désole Zakia, qui en a perdu le sommeil.

La vie de ces familles, souvent issues de milieux modestes, s’est arrêtée le jour de leur arrestation. Il a fallu prendre des avocats et les rémunérer.

Leur désespoir s’est accru avec la pandémie du Covid-19 et l’annulation des visites au parloir, même si, selon les autorités, aucune contamination n’est à déplorer dans les geôles.

– « Criminaliser le Hirak » –

Kaddour Chouicha, militant des droits humains à Oran (nord-ouest), estime que « la détention préventive reste une arme puissante dans les mains de ceux qui criminalisent l’activité politique, syndicale, associative, et maintenant les membres du +Hirak+ ».

Certains détenus attendent leur procès depuis plus d’un an. Ils ont vu arriver, puis partir, d’autres prisonniers du Hirak, libérés ou condamnés à une peine déjà purgée.

Les autorités algériennes ne communiquent pas sur le sujet.

Quant aux ONG de la société civile, elles sont partagées sur le statut de ces prisonniers — d’opinion ou non?–, mais s’accordent sur le fait qu’ils ne doivent pas croupir en préventive.

La plupart des avocats les ont traités comme des détenus de droit commun, alors que, selon lui, ils sont incarcérés pour des faits liés au Hirak, dit Hakim Addad, ex-prisonnier, militant du Rassemblement Action Jeunesse(RAJ), mouvement à la pointe de la contestation.

D’autres conseils ont refusé de les défendre, excipant du « secret professionnel » pour ne pas révéler les circonstances ou les motifs de leur interpellation, observe Me Lydia Lounaouci, avocate à Bejaïa (nord-est).

Certains embastillés ont été impliqués –à tort ou à raison– dans des altercations, des vols ou des saccages en marge de marches du Hirak.

C’est le cas de Yazid Hadou, un « hirakiste » de Tlemcen (nord-ouest), arrêté en octobre 2019, accusé par la police de s’être battu avec un agent municipal avant l’élection présidentielle.

Son frère Hami demande qu’on le juge ou qu’on le libère. « Il avait un travail qu’il a perdu. Il est marié et a un enfant en bas âge ».

Hami raconte que leur mère est décédée sans pouvoir le voir. « Elle était malade et a mal supporté son incarcération. Aujourd’hui, je n’ose pas lui annoncer qu’elle est morte ».

– « Inadmissible » –

Le recours à la détention préventive était déjà devenu la règle et non l’exception avant le Hirak, qui a rendu le phénomène plus visible, selon les avocats et les militants des droits humains.

Ces derniers estiment à plus d’un millier le nombre de détenus –« hirakistes » ou non– en prison dans l’attente d’un hypothétique procès, malgré de récentes grâces présidentielles.

Kaddour Chouicha a rencontré à la prison d’Oran un homme accusé dans une affaire de drogue qui attend son procès depuis six ans.

La préventive, dit-il, frappe plus durement « ceux qui, isolés, démunis, sont placés dans un face-à-face inégal avec le visage réel de la répression ».

« Ils ne connaissent pas les mécanismes, ni les personnes à contacter. Ils n’ont pas d’argent. Leurs familles ne savent pas à quelle porte frapper », déplore M. Chouicha, lui-même ex-détenu du « Hirak ».

Hakim Addad, du RAJ, témoigne: « Un jeune de 23 ans était en isolement avec moi. Il n’a ni père ni mère, juste un frère et est en détention provisoire depuis 18 mois pour une bagarre. Il n’a pas les moyens de se payer un avocat ».

M. Addad estime que 20% à 30% des détenus de la prison d’El Harrach à Alger sont en préventive. « C’est inadmissible. Certains passent des mois en prison avant d’être acquittés ».

La médecine traditionnelle africaine monte au créneau face au coronavirus

Vous êtes positifs au coronavirus ? Pas de souci, buvez votre propre urine ! A l’image de ce conseil d’un herboriste congolais, la pandémie a fait fleurir les promesses de guérison les plus diverses en Afrique, où la médecine traditionnelle reste prisée et respectée.

Tisanes, décoctions, épices, fruits ou légumes… Sur les marchés ou dans les officines, la liste est longue des remèdes dont les tradipraticiens vous affirment, une main sur le coeur et, souvent, l’autre sur le porte-monnaie, qu’ils repoussent ou soignent le Covid-19.

Même les chefs d’Etat s’en mêlent. Celui de Madagascar, Andry Rajoelina, a d’abord vanté les qualités de guérison d’une tisane à base d’artemisia, une plante à l’efficacité scientifiquement prouvée contre le paludisme. Il a ensuite fait marche arrière en insistant sur ses vertus préventives, qui permettraient de renforcer le système immunitaire.

« Cette tisane donne des résultats en sept jours », a-t-il affirmé après l’avoir bue, arguant d’essais qui restent à publier. « On peut changer l’histoire du monde entier », a-t-il assuré.

Doyen de la faculté de médecine de Toamasina (est), le Dr Stéphane Ralandison a mis en garde contre les méthodes « pas bien scientifiques » autour de cette tisane.

Si elle reconnaît que certaines substances peuvent « atténuer les symptômes » du coronavirus, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a elle aussi rappelé qu’il n’existait pour l’heure « aucune preuve » qu’elles peuvent « prévenir ou guérir la maladie ».

Mais qu’importe. Faute d’un vaccin ou même d’un traitement efficace offert par la médecine occidentale, les tradipraticiens se sont engouffrés dans la brèche.

C’est la cas de Gabriel Nsombla, qui fait la publicité de ses potions sur les ondes d’une radio locale de République démocratique du Congo (RDC).

– ‘Tous guéris’ –

« Inhaler la vapeur d’un mélange d’écorce de manguier, des feuilles de papayer, du gingembre et d’une plante dont je garde le nom secret, assure une guérison certaine », claironne-t-il, « tous ceux qui viennent chez moi repartent guéris ».

Même s’il avoue ne pas avoir encore testé ses philtres sur des malades du Covid-19, le naturopathe camerounais Anselme Kouam certifie lui aussi que « la médecine traditionnelle peut contribuer à lutter contre le coronavirus ».

Il recommande les infusions à base d’ail et de gingembre, souvent cités pour leur capacité présumée à renforcer les défenses immunitaires. Ou l’usage des cristaux de menthe, à faire bouillir dans un seau d’eau.

« Il faut rapprocher sa tête du saut, la recouvrir avec une couverture puis respirer », détaille Anselme Kouam, « ça libère les voies respiratoires et c’est efficace contre ce virus ».

Dans un continent où les traditions restent vives, l’apparition du Covid-19, qui a fait jusqu’à présent près de 1.200 morts en Afrique, a vu les populations se ruer sur les remèdes des anciens.

Sans retenue et sans discernement parfois. En RDC, la radio onusienne Okapi a rapporté fin mars la mort de trois enfants qui avaient absorbé une plante médicinale pour prévenir une contamination par le virus.

Contrairement à leurs confrères chinois qui ont obtenu pignon sur rue et reconnaissance dans les pays occidentaux, les médecins traditionnels africains regrettent les railleries dont ils sont encore souvent la cible.

L’herboriste sud-africain Makelani Bantu déplore ainsi que son gouvernement n’ait pas daigné répondre à son offre de tester scientifiquement ses décoctions.

« On ne nous donne même pas l’occasion de parler », regrette-t-il depuis son officine de Pretoria. « Pour l’instant ils n’ont pas de solution contre le Covid-19, ils pourraient au moins essayer nos traitements. »

– Pharmacopée ‘autochtone’ –

« Il est temps d’associer les autochtones à la recherche de solutions », renchérit l’ethnologue congolais Sorel Eta, qui fréquente depuis un quart de siècle les pygmées Akas de la province de Likouala (nord).

« Ils connaissent les arcanes de la forêt, notamment toutes les essences médicinales qui s’y trouvent. Ils ont toujours soigné des maladies dont les symptômes s’apparentent à ceux du Covid-19 », plaide-t-il.

Au Bénin, le guérisseur et prêtre vaudou Bokonon Azonyihouès assure travailler d’arrache-pied avec ses collègues pour mettre au point un traitement.

« Autant que les grands laboratoires, nous faisons des recherches et des essais », explique le « sage », « la solution peut venir de l’une ou l’autre médecine ».

Jusque-là, les autorités sanitaires de plusieurs pays africains ont accueilli ces promesses avec prudence.

Début avril, l’Autorité ougandaise du médicament a publié une déclaration interdisant la publicité pour les remèdes traditionnels dans les médias publics, après l’arrestation d’un herboriste qui avait prétendu avoir identifié un traitement contre la maladie.

Ce praticien, Lazarus Kungu, a été inculpé de mise en danger de la santé publique.

Responsable de la lutte contre les épidémies au ministère camerounais de la Santé, Georges Etoundi Mballa assure toutefois ne pas écarter le recours à la médecine traditionnelle. « Tous ceux qui peuvent apporter une réponse scientifique (…) sont les bienvenus », dit-il.

Le porte-parole du ministère sud-africain de la Santé, Pop Maja, assure « respecter le rôle des guérisseurs traditionnels ». Jusqu’à un certain point. « Nous savons aussi que pour l’instant il n’y a pas de traitement contre le coronavirus », dit-il, « et chaque jour, je reçois 10 à 15 appels de gens qui disent qu’ils en ont trouvé un… »

burs-sn-pa/bed/sba

En Algérie, les détenus « oubliés » du Hirak

Ils sont les « oubliés » du mouvement populaire (« Hirak ») antirégime en Algérie. Des dizaines de détenus qui attendent leur procès, certains depuis plus d’un an, dans un silence assourdissant et un isolement accentué par la crise sanitaire due au nouveau coronavirus.

Ils ne jouissent pas du statut d’opposant politique, vivent souvent loin d’Alger, la capitale du Hirak, et sont parfois assimilés à des voyous. Face à l’indifférence quasi générale, leurs familles ne savent plus vers qui se tourner.

C’est ainsi que des groupes de mères de détenus se sont créés, après des rencontres dans les prétoires algérois, pour partager leurs déboires. Aujourd’hui, ces compagnes d’infortune se soutiennent mutuellement pour sauver leurs enfants.

Zakia Hanane est la mère de Zinedine, 32 ans, arrêté le 1er mars 2019 à Alger au retour d’une manifestation du Hirak après que deux voisins du quartier sont montés dans la même voiture que lui. L’un deux, réparateur TV, a reconnu avoir ramassé un écran plasma dans la rue pour récupérer les pièces. Mais la justice les a tous mis dans le même sac et les a accusés de vandalisme.

« Le +Hirak+ et la justice les ont oubliés, et avec le coronavirus ils paient lourdement cet oubli. C’est la double peine avant le jugement », se désole Zakia, qui en a perdu le sommeil.

La vie de ces familles, souvent issues de milieux modestes, s’est arrêtée le jour de leur arrestation. Il a fallu prendre des avocats et les rémunérer.

Leur désespoir s’est accru avec la pandémie du Covid-19 et l’annulation des visites au parloir, même si, selon les autorités, aucune contamination n’est à déplorer dans les geôles.

– « Criminaliser le Hirak » –

Kaddour Chouicha, militant des droits humains à Oran (nord-ouest), estime que « la détention préventive reste une arme puissante dans les mains de ceux qui criminalisent l’activité politique, syndicale, associative, et maintenant les membres du +Hirak+ ».

Certains détenus attendent leur procès depuis plus d’un an. Ils ont vu arriver, puis partir, d’autres prisonniers du Hirak, libérés ou condamnés à une peine déjà purgée.

Les autorités algériennes ne communiquent pas sur le sujet.

Quant aux ONG de la société civile, elles sont partagées sur le statut de ces prisonniers — d’opinion ou non?–, mais s’accordent sur le fait qu’ils ne doivent pas croupir en préventive.

La plupart des avocats les ont traités comme des détenus de droit commun, alors que, selon lui, ils sont incarcérés pour des faits liés au Hirak, dit Hakim Addad, ex-prisonnier, militant du Rassemblement Action Jeunesse(RAJ), mouvement à la pointe de la contestation.

D’autres conseils ont refusé de les défendre, excipant du « secret professionnel » pour ne pas révéler les circonstances ou les motifs de leur interpellation, observe Me Lydia Lounaouci, avocate à Bejaïa (nord-est).

Certains embastillés ont été impliqués –à tort ou à raison– dans des altercations, des vols ou des saccages en marge de marches du Hirak.

C’est le cas de Yazid Hadou, un « hirakiste » de Tlemcen (nord-ouest), arrêté en octobre 2019, accusé par la police de s’être battu avec un agent municipal avant l’élection présidentielle.

Son frère Hami demande qu’on le juge ou qu’on le libère. « Il avait un travail qu’il a perdu. Il est marié et a un enfant en bas âge ».

Hami raconte que leur mère est décédée sans pouvoir le voir. « Elle était malade et a mal supporté son incarcération. Aujourd’hui, je n’ose pas lui annoncer qu’elle est morte ».

– « Inadmissible » –

Le recours à la détention préventive était déjà devenu la règle et non l’exception avant le Hirak, qui a rendu le phénomène plus visible, selon les avocats et les militants des droits humains.

Ces derniers estiment à plus d’un millier le nombre de détenus –« hirakistes » ou non– en prison dans l’attente d’un hypothétique procès, malgré de récentes grâces présidentielles.

Kaddour Chouicha a rencontré à la prison d’Oran un homme accusé dans une affaire de drogue qui attend son procès depuis six ans.

La préventive, dit-il, frappe plus durement « ceux qui, isolés, démunis, sont placés dans un face-à-face inégal avec le visage réel de la répression ».

« Ils ne connaissent pas les mécanismes, ni les personnes à contacter. Ils n’ont pas d’argent. Leurs familles ne savent pas à quelle porte frapper », déplore M. Chouicha, lui-même ex-détenu du « Hirak ».

Hakim Addad, du RAJ, témoigne: « Un jeune de 23 ans était en isolement avec moi. Il n’a ni père ni mère, juste un frère et est en détention provisoire depuis 18 mois pour une bagarre. Il n’a pas les moyens de se payer un avocat ».

M. Addad estime que 20% à 30% des détenus de la prison d’El Harrach à Alger sont en préventive. « C’est inadmissible. Certains passent des mois en prison avant d’être acquittés ».

Coronavirus: 435 morts en 24 heures en Espagne, 2e jour de léger rebond

L’Espagne a recensé mercredi 435 morts du nouveau coronavirus en 24 heures, un chiffre qui a augmenté légèrement pour le deuxième jour consécutif et qui porte le total de décès à 21.717, a annoncé le ministère de la Santé.

430 morts avaient été notifiées mardi et 399 lundi, ce qui constituait un plus bas depuis quatre semaines.

Le pays, qui compte par ailleurs au total plus de 208.000 cas confirmés après une hausse de plus de 4.200 en 24 heures, est le troisième le plus endeuillé du monde derrière les États-Unis et l’Italie.

Le confinement très strict auquel est soumis l’Espagne depuis le 14 mars doit être prolongé mercredi par les députés jusqu’au 9 mai inclus.

Le gouvernement, qui aborde le déconfinement avec une extrême prudence, va toutefois assouplir légèrement ses mesures de lutte contre le virus en permettant aux enfants de sortir prendre l’air à partir de dimanche.

Après les avoir initialement autorisés à sortir avec un de leur parent uniquement pour aller au supermarché ou à la pharmacie, il a fait volte-face mardi soir face à l’avalanche de critiques de tous bords en autorisant de courtes promenades comme dans d’autres pays européens comme la France.

« La désescalade (dans les mesures de confinement) va être lente et progressive précisément car elle doit être sûre », a insisté le Premier ministre Pedro Sanchez mercredi devant les députés.

« Le confinement ne sera levé que lorsque nous y serons préparés car nous n’allons courir aucun risque », a-t-il martelé en évoquant la « deuxième moitié du mois de mai ».

Malgré un nombre de morts toujours élevé, l’Espagne a dépassé le pic de l’épidémie début avril, quand le coronavirus avait tué jusqu’à 950 personnes le 2 avril.

Signe de l’amélioration, les hôpitaux ne sont plus saturés et la région de Madrid devait fermer mercredi la morgue installée dans la patinoire d’un centre commercial madrilène, symbole du lourd bilan humain de la pandémie dans la capitale espagnole.

Confinée à Wuhan: un journal intime fait hurler les nationalistes

« Traîtresse »: une écrivaine chinoise qui a tenu un journal de confinée à Wuhan, à l’épicentre du Covid-19, est accusée de donner du grain à moudre aux critiques de la Chine en publiant son récit à l’étranger.

Âgée de 64 ans, issue d’une famille aisée d’intellectuels, Fang Fang est une romancière connue dans son pays. Intégrée au système, elle a remporté le plus prestigieux prix littéraire chinois en 2010.

Wuhanaise, elle entame un journal peu après le confinement de la métropole le 23 janvier, qu’elle publie en ligne. Achevé fin mars après 60 entrées, il raconte la peur, la colère et l’espoir des 11 millions d’habitants.

Son contenu? Récit d’hôpitaux saturés qui refusent les malades, de son quotidien de confinée, du décès de proches, de l’entraide entre habitants, ou encore du plaisir simple de voir le soleil illuminer sa chambre.

« Un ami docteur m’a dit: nous les médecins savons tous depuis un moment qu’il y a une transmission interhumaine de la maladie, nous avons rapporté ça à nos supérieurs, mais pourtant personne n’a averti les gens », écrit-elle au 38e jour de confinement.

Sa chronique subjective d’écrivaine, présentée comme non-journalistique, a été suivie par des millions de Chinois intéressés par un point de vue différent sur l’actualité, face à des médias très contrôlés.

Mais Fang Fang est devenue controversée.

Car son journal sera publié dans les prochains mois dans plusieurs langues étrangères, dont l’anglais, l’allemand et le français. En France, il sortira le 9 septembre chez Stock sous le titre « Wuhan, ville close ».

– Prétexte –

Principal reproche: offrir avec cette traduction un prétexte aux étrangers pour critiquer le gouvernement chinois. Notamment aux Etats-Unis, qui accusent Pékin de réaction tardive face à l’épidémie.

« Un média américain dit déjà vouloir se servir du livre pour demander des comptes à la Chine. Bravo Fang Fang, tu donnes aux pays occidentaux des armes pour tirer sur la Chine », ironise un internaute sur le réseau social Weibo.

« Tu révèles ainsi ta nature de traîtresse », conclut-il.

« Pour combien as-tu vendu ton journal? », s’interroge un autre commentateur, qui l’accuse de s’enrichir sur les quelque 3.900 morts de Wuhan.

Autre élément qui a enflammé le web: la présentation politisée de l’ouvrage faite par son éditeur américain HarperCollins.

Saluant un récit « mélangeant l’étrange et le dystopique », il vante une écrivaine qui s’élève contre les « problèmes politiques systémiques » d’un « pays autoritaire ».

La traduction du livre en pleine confrontation avec Washington « n’est pas vraiment de très bon goût », a déploré Hu Xijin, influent rédacteur en chef du tabloïd nationaliste Global Times.

« Au final, ce seront les Chinois, y compris ceux qui soutenaient Fang Fang au départ, qui devront payer le prix de sa renommée en Occident », souligne-t-il sur Weibo, s’attirant plus de 190.000 « j’aime ».

– « Partial » –

Le Global Times évoque un récit « partial » qui « n’expose que le côté sombre de Wuhan ».

Critiquée voire insultée, Fang Fang se dit victime de la « cyberviolence » de nationalistes – même si un certain nombre d’internautes lambda la critiquent également.

Conséquence: plusieurs éditeurs chinois intéressés à l’origine par la publication du texte de Fang Fang hésitent devant la polémique, affirme l’écrivaine.

« Pourquoi on ne sortirait pas ce livre? Juste parce que certains risquent de nous utiliser? (…) Si les gens lisent vraiment mon journal, ils découvriront toutes les mesures efficaces que la Chine a prises contre l’épidémie », argumente-t-elle dans une réponse publiée sur le site internet du magazine Caixin.

Elle promet par ailleurs de verser toutes ses royalties « aux familles des soignants décédés ».

Interrogé par l’AFP, son éditeur français Stock a justifié mardi la publication du journal par son « intérêt documentaire » à propos d’un événement « qui s’annonce comme peut-être une page de l’histoire de l’humanité ».

Face à cette lapidation en ligne, beaucoup d’internautes ont volé au secours de l’autrice sur Weibo, jugeant les attaques « disproportionnées ».

« Fang Fang ne doit rien à personne », souligne une commentatrice. « Libre à vous d’écrire un journal qui va à l’encontre de ce qu’elle raconte, de le traduire et de le publier à l’étranger! »

L’Iran annonce le lancement d’un satellite militaire en pleines tensions avec Washington

L’Iran a annoncé le lancement « avec succès » mercredi d’un premier satellite militaire, deux mois après l’échec de la mise en orbite d’un satellite scientifique et dans un contexte de tensions avec Washington qui perdurent malgré la pandémie de coronavirus.

L’annonce a été faite par les Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de la République islamique qui a salué sur son site internet « une grande réussite et un nouveau développement dans le domaine de l’espace pour l’Iran islamique ».

Le satellite, baptisé Nour, a été « lancé avec succès ce matin, mercredi 22 mai, à partir du lanceur à deux étages Qassed depuis le désert de Markazi (centre) en Iran », a indiqué le site Sepahnews, organe des Gardiens.

Le satellite Nour (Lumière en persan) a « orbité autour de la Terre à 425 km », selon la même source.

Ce lancement survient plus de deux mois après l’échec le 9 février de la mise en orbite d’un satellite d’observation scientifique, baptisé Zafar (Victoire en persan).

Le lancement du Zafar avait été condamné par la France et les Etats-Unis qui ont accusé Téhéran de vouloir renforcer ses compétences dans le domaine des missiles balistiques par le biais du lancement de satellites.

Téhéran maintient que son programme spatial est « pacifique » et réfute les affirmations selon lesquelles il a une dimension militaire.

Les Etats-Unis avaient déjà mis en garde contre le programme spatial iranien, qualifiant notamment le tir par Téhéran d’une fusée chargée du lancement d’un satellite en janvier 2019 de « provocation » et de violation de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies.

Cette résolution appelle l’Iran à « ne mener aucune activité liée aux missiles balistiques conçus pour pouvoir emporter des charges nucléaires, y compris les tirs recourant à la technologie des missiles balistiques ».

Affirmant n’avoir aucun projet de se doter de l’arme atomique, Téhéran assure que ses programmes balistique et spatial sont licites et ne violent pas la résolution.

– En pleine pandémie –

L’hostilité de longue date entre Téhéran et Washington a été exacerbée depuis que Washington a décidé en mai 2018 de dénoncer unilatéralement l’accord international sur le nucléaire iranien (conclu en 2015) et de rétablir des sanctions économiques punitives contre Téhéran.

Les tensions ont atteint un nouveau pic après l’élimination du puissant général iranien Qassem Soleimani, tué dans une frappe de drone américaine à Bagdad le 3 janvier.

L’annonce du lancement du satellite militaire mercredi intervient sur fond de grave crise sanitaire en Iran, pays parmi les plus touchés par la pandémie du nouveau coronavirus.

La République islamique accuse les États-Unis de « terrorisme économique », Téhéran devant faire face à la fois à l’épidémie et aux sanctions américaines qui étouffent son économie depuis leur retour en 2018.

Depuis plusieurs semaines, l’Iran estime que les sanctions américaines contre Téhéran affaiblissent sa capacité à lutter contre la pandémie.

Celles-ci asphyxient financièrement le pays et restreignent ses capacités à emprunter sur le marché international.

Sur le papier, les biens humanitaires (médicaments, équipements médicaux notamment) échappent aux sanctions, mais en réalité, les banques internationales préfèrent généralement refuser une transaction impliquant l’Iran, quel que soit le produit concerné, plutôt que de courir le risque de s’exposer à des représailles des Etats-Unis.

Téhéan a annoncé en mars avoir demandé au Fonds monétaire international (FMI) une ligne de crédit d’urgence pour un montant pouvant s’élever à environ 5 milliards de dollars.

Mais Washington, qui dispose d’un droit de veto au sein de cette institution et mène une campagne de « pression maximale » contre l’Iran, a jusqu’à présent indiqué n’avoir aucune intention d’autoriser un tel prêt, accusant Téhéran d’utiliser ses ressources pour financer « le terrorisme à l’étranger ».

L’Iran a enregistré officiellement près de 5.300 morts du nouveau coronavirus et environ 85.000 cas de contamination, soit le bilan le plus lourd du Moyen-Orient.

Certains, à l’étranger comme à l’intérieur du pays, estiment que ces chiffres sont sous-estimés, évoquant quatre à cinq fois plus de morts.

Covid-19: gare à une pénurie d’oxygène dans les pays les plus pauvres

Dans les pays pauvres d’Afrique ou d’Asie du Sud, les médecins manquent de l’élément le plus crucial pour sauver les malades les plus graves du Covid-19: l’oxygène lui-même, alertent les experts.

La crise sanitaire actuelle a mis sous tension même les systèmes hospitaliers les plus avancés, qui peinent notamment à s’approvisionner en respirateurs artificiels.

Mais les experts craignent que cette attention portée au maillon high-tech de l’assistance respiratoire ne masque un besoin encore plus criant et prioritaire, pour les systèmes de santé les plus vulnérables: l’oxygène médical, composante clé des soins intensifs.

« La réalité c’est que l’oxygène est la seule thérapie qui va sauver des vies en Afrique et en Asie-Pacifique à ce stade », commente Hamish Graham, pédiatre et chercheur à l’hôpital universitaire de Melbourne.

« J’ai peur que la focalisation excessive sur les respirateurs ne tue, si on ne résout pas les problèmes d’oxygène », explique-t-il à l’AFP.

Selon un rapport publié en février sur plusieurs milliers de cas en Chine, près de 20% des malades du Covid-19 ont eu besoin d’oxygène.

Le nouveau coronavirus attaque les poumons, causant des formes aiguës de détresse respiratoire et entraînant une baisse dangereuse du niveau d’oxygène dans le sang.

« Dans les hôpitaux des pays riches, l’oxygène va de soi », explique le Dr Graham. Mais ailleurs, « les soignants sont parfaitement conscients du problème: ils se battent chaque jour pour pouvoir fournir de l’oxygène à leurs patients ».

De nombreux gros hôpitaux de pays en développement disposent de bouteilles d’oxygène dans les blocs opératoires et les services, ainsi que de « concentrateurs », des équipements portatifs qui permettent de filtrer et de purifier l’air ambiant.

Mais des études montrent que moins de la moitié des établissements hospitaliers d’Afrique et d’Asie-Pacifique disposent d’oxygène à tout moment, insiste le Dr Graham. Et ils sont bien moins nombreux à être équipés d’oxymètres de pouls, ce petit appareil qu’on met au bout du doigt du patient pour mesurer son taux d’oxygène dans le sang.

Cette inquiétude n’est pas nouvelle parmi ceux qui soignent les patients atteints de pneumonie, maladie infectieuse la plus meurtrière chez les enfants de moins de 5 ans.

Malgré des politiques nationales en place, au Nigeria, un des pays les plus touchés, la situation dans certaines régions est « très très inquiétante », estime Adamu Isah, de l’ONG Save the Children.

Il est courant de voir des enfants « souffrir et suffoquer », raconte l’ancien médecin à l’AFP. « On se sent inutile. Il n’y a pas grand chose à faire sans oxygène ».

– « A l’aveuglette » –

« Les systèmes de santé en Afrique et en Asie du Sud ne pouvaient pas être plus exposés à une telle pandémie, ils n’ont pas investi dans les thérapies respiratoires », constate de son côté Leith Greenslade, coordinatrice de la coalition Every Breath Counts.

« C’est terrifiant », ajoute-t-elle.

Malgré la mort de 800.000 enfants victimes de pneumonie chaque année, la maladie ne reçoit pas la même attention que le sida, le paludisme ou la tuberculose.

Et les autorités sanitaires mondiales ont « complètement négligé » la question de l’oxygène, estime Leith Greenslade.

« L’absence de données mondiales (sur les approvisionnements en oxygène) va être un problème majeur pour répondre au Covid-19 parce qu’on navigue à l’aveuglette, on ne sait pas quels pays en ont le plus besoin », ajoute-t-elle.

L’épidémie étant encore relativement peu développée en Afrique et dans certaines parties de l’Asie, il reste malgré tout « probablement une fenêtre de deux mois » pour agir, insiste-t-elle.

Même s’il est difficile de prédire comment le nouveau virus se répandra dans cette partie du monde, les experts appellent à renforcer les systèmes de soins en urgence.

« Comme partout, il faut aplatir la courbe, mais si les établissements n’ont pas de lits de soins intensifs – ou peu comme au Malawi où il y en a 25 pour 17 millions d’habitants -, ça ne marchera pas », souligne Gwen Hines, de Save the Children.

Son organisation travaille justement au Malawi, où quelques cas ont été confirmés, pour alimenter des concentrateurs d’oxygène en énergie solaire, alors que le réseau électrique est intermittent et qu’il n’y a pas de site de production d’oxygène.

Mais en pleine crise mondiale, les experts craignent que la communauté internationale ne puisse pas agir suffisamment rapidement pour pallier ce manque d’oxygène et d’autres équipements de base dans les pays les plus pauvres.

Au Nigeria, l’aide devrait commencer par l’envoi d’oxymètres de pouls, puis de concentrateurs utilisables dans des dispensaires modestes, et après seulement des respirateurs, plaide Adamu Isah.

« J’ai peur que si cette pandémie dure plus de deux mois, nous devions faire face à de très graves problèmes », s’alarme-t-il.

« En Europe ou aux Etats-Unis, ils ont peut-être les capacités de faire face aux besoins, mais pas en Afrique, même en temps de paix ».

Au Chili, la traque du castor, la plaie qui met en péril les forêts de Patagonie

Armé de son fusil, Miguel Gallardo fait face à une tâche colossale: traquer le castor, introduit dans la région dans les années 1940 et devenu depuis une plaie qui menace les forêts de la Patagonie chilienne.

A partir des 10 couples introduits en 1946, on compte aujourd’hui quelque 100.000 individus dans la zone de la Terre de feu, partagée entre le Chili et l’Argentine. Marcelo, lui, ne parvient à en abattre qu’une soixantaine à chaque saison.

« Le castor est très mignon, très intelligent, mais malheureusement, les dommages qu’il est en train de causer sur la végétation indigène et la faune sont énormes », déclare à l’AFP ce chasseur qui a 15 ans d’expérience et organise aussi des visites touristiques sur l’Ile Navarino, à proximité de Puerto Williams, à l’extrême sud du Chili.

Avec leurs puissantes dents et leurs talents de bâtisseurs, le castors se sont parfaitement acclimatés à ce nouvel habitat, totalement dépourvu de prédateurs.

« Il faut les éradiquer, mais il ne s’agit pas non plus d’arriver et de leur tirer dessus dans l’eau et qu’ils y pourrissent », ajoute ce chasseur, qui récupère les spécimens abattus pour utiliser leur fourrure « de très bonne qualité et assez chaude ».

En 1946, des militaires argentins ont rapporté d’Amérique du Nord dix couples de castors du Canada (castor canadensis) dans le but de monter une affaire de peaux et de fourrures en Terre de feu. Mais cela n’a finalement pas marché et ces castors ont été relâchés dans la nature.

Les deux pays voisins effectuent depuis les années 1980 des campagnes de contrôle pour tenter de réduire les populations de ces rongeurs, par des pièges ou des abattages. En face, les ONG de protection de l’environnement, comme l’Union de défense du droit animal de Punta Arenas, dénoncent la cruauté de ces méthodes ainsi que leur manque d’efficacité.

« Les défenseurs des animaux, je les comprends; je comprends que tuer un être vivant, un petit animal intelligent, c’est douloureux. Mais malheureusement, si nous ne prenons pas de mesures concernant le castor, nous allons nous retrouver sans forêt et sans végétation », met en garde Miguel Gallardo.

– 23.000 hectares dévastés –

« Penser à éradiquer le castor n’est en rien un combat contre le castor mais un besoin de protéger le patrimoine naturel de notre pays », abonde Charif Tala Gonzalez, responsable du département de conservation des espèces au ministère de l’Environnement.

En quelques années, ces rongeurs semi-aquatiques au pelage marron qui peuvent mesurer jusqu’à un mètre et peser 32 kilos ont fini par coloniser tout l’archipel de la Terre de feu.

Outre qu’il n’a pas de prédateurs naturels dans cette partie du globe, le castor vit en général longtemps, de 10 à 12 ans, durant lesquels il peut avoir 5 à 6 petits chaque année.

Cet animal est connu pour construire des barrages à partir de la végétation existante. Il installe ensuite sa tanière au milieu de la retenue qui se forme alors.

Cette montée des eaux fait mourir la végétation indigène et le peu d’arbres qui survivent sont abattus par les castors pour renforcer leur construction. Ils raffolent particulièrement des lengas centenaires, également appelés hêtres de la Terre de feu, et des coihues, connus sous le nom de hêtres de Magellan.

« La forêt ne peut pas se défendre (…) Tout ce qui reste au milieu de l’eau meurt, car nos forêts ne sont pas préparées à l’excès d’eau », explique Miguel, le chasseur.

Les autorités chiliennes estiment que depuis leur introduction, les castors ont dévasté plus de 23.000 hectares de végétation indigène, entraînant un manque à gagner évalué à 62,7 millions de dollars à cause de la destruction du bois.

Ils ont également eu un effet sur l’ensemble de la flore et la faune de la zone, leurs barrages provoquant des inondations qui ont coupé des routes, des zones de pâturage et de culture.

« Les écosystèmes de la Patagonie sont uniques (…) Pour qu’ils redeviennent pleinement des forêts, nous parlons en centaines d’années, si les conditions sont réunies », souligne Charif Tala Gonzalez.