L’Inde ébranlée par les violences intercommunautaires à Delhi

L’Inde était ébranlée jeudi par les violences intercommunautaires qui ont fait 38 morts à New Delhi, dans un contexte de polarisation croissante du géant d’Asie du Sud gouverné par les nationalistes hindous du Premier ministre Narendra Modi.

Des émeutiers armés de pierres, de sabres et parfois de pistolets ont semé le chaos et la terreur depuis dimanche dans des faubourgs populaires du nord-est de la capitale, éloignés d’une dizaine de kilomètres du centre. Des heurts autour d’une loi controversée sur la citoyenneté ont dégénéré en affrontements communautaires entre hindous et musulmans.

Quelques incidents isolés se sont produits dans la nuit de mercredi à jeudi dans la mégapole, mais aucune nouvelle flambée majeure n’est survenue. Les autorités ont déployé en nombre mercredi des policiers et paramilitaires en tenues antiémeute.

Sunil Kumar, directeur du principal hôpital de la zone, a indiqué à l’AFP avoir recensé 34 morts, tous tués par balles, dans son établissement. Un autre hôpital a, lui, fait état de trois décès. Un troisième établissement hospitalier a fait état d’un mort.

Plus de 200 personnes ont aussi été blessées, beaucoup par balles. La police a interpellé 500 personnes et commencé à organiser des réunions dans la mégapole pour « améliorer l’harmonie intercommunautaire ».

Cette flambée de violences intercommunautaires est la pire à frapper la capitale depuis les massacres de Sikhs en 1984 en représailles à l’assassinat d’Indira Gandhi.

Selon une liste de personnes décédées dans le principal hôpital, que l’AFP a consultée, les victimes semblaient à peu près autant hindoues que musulmanes, à en juger d’après leur nom.

Lors de multiples incidents, des groupes armés hindous s’en sont pris à des lieux et à des personnes identifiés comme musulmans, au cri du slogan religieux « Jai Shri Ram » (« Loué soit le dieu Ram »).

Plusieurs mosquées ont été brûlées dans la zone. Un drapeau hindou, représentant le dieu-singe Hanuman, a été hissé sur le minaret d’une mosquée mise à sac, ont constaté des journalistes de l’AFP.

« Je m’inquiète des informations faisant état d’inaction de la police devant les attaques contre les musulmans par d’autres groupes », a déclaré jeudi Michelle Bachelet, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.

– Communauté internationale silencieuse –

Sur place jeudi, la tension restait prégnante et la méfiance régnait. Une équipe de l’AFP a fait face à des réactions extrêmement hostiles de la part d’habitants.

Dans le quartier d’Ashok Nagar, principalement composé d’hindous, les émeutiers ont incendié les maisons des familles musulmanes.

« Personne (des autorités, ndlr) n’est venu nous aider. C’est nos voisins hindous qui nous ont aidés. Ils nous ont assistés pour arroser le feu. Ils ont apporté des seaux d’eau. Ils nous préparent du thé. Ils nous demandent sans cesse si nous avons besoin de quelque chose », a témoigné Bilkis, une mère de sept enfants dont le domicile a été en grande partie endommagé.

Les capitales mondiales sont restées globalement silencieuses sur ces violences, à l’exception d’Ankara. Se posant de longue date en défenseur des musulmans dans le monde, le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé jeudi les « massacres » commis selon lui par les hindous contre les musulmans.

En visite d’État en Inde au moment de l’embrasement, le président américain Donald Trump a esquivé en conférence de presse une question sur le sujet, disant ne pas avoir discuté de ces émeutes avec Narendra Modi.

Les violences ont éclaté dimanche soir lorsque des groupes hindous se sont opposés à une manifestation de musulmans contre une loi controversée sur la citoyenneté. Cette législation, jugée discriminatoire pour les musulmans par ses détracteurs, est à l’origine d’un vaste mouvement de contestation qui secoue l’Inde depuis décembre.

La loi controversée a cristallisé les craintes de la minorité musulmane – 200 millions sur 1,3 milliard d’Indiens – d’être reléguée au rang de citoyens de seconde classe.

Les détracteurs de Narendra Modi l’accusent de vouloir transformer l’Inde laïque en un pays purement hindou. Le chef de gouvernement indien, au pouvoir depuis 2014 et largement réélu l’année dernière, a appelé mercredi ses concitoyens à « la paix et la fraternité ».

Ses adversaires politiques pointent toutefois du doigt les discours incendiaires tenus par des responsables de son parti, notamment lors de la campagne pour des élections locales à Delhi au début de l’année.

Des représentants du Bharatiya Janata Party (BJP), avaient assimilé les manifestants contre la loi sur la citoyenneté à des « jihadistes », certains appelant même à les incarcérer ou à les abattre.

Les émeutes de Delhi « étaient en germe depuis longtemps », a estimé l’éminent intellectuel Pratap Bhanu Mehta dans une tribune publiée jeudi par le quotidien Indian Express.

« Il ne fait aucun doute que l’État aurait pu stopper la violence plus rapidement s’il l’avait voulu », a-t-il affirmé, s’inquiétant que ces événements soient « un prélude à un possible pogrom, ou au moins une ghettoïsation » des musulmans en Inde.

Afghanistan: un accord Etats-Unis/talibans et des incertitudes

Washington et les talibans doivent signer samedi à Doha un accord visant à préparer une sortie des Etats-Unis de la plus longue guerre de leur histoire et à lancer des discussions de paix inter-afghanes.

L’accord sera présenté comme le début d’une nouvelle ère pour l’Afghanistan, pays pauvre ravagé par la guerre depuis 40 ans, et laisse entrevoir la fin de l’intervention américaine lancée le 7 octobre 2001 en réponse aux attentats du 11-Septembre.

Mais personne ne sait de quoi sera fait l’avenir du pays après l’accord, avec des interrogations sur les intentions réelles des talibans et la capacité des protagonistes afghans à mettre fin à la crise politique.

Plus de 100.000 civils afghans ont été tués ou blessés au cours de la dernière décennie, selon l’ONU, et le conflit a coûté aux contribuables américains plus de 1.000 milliards de dollars (environ 914 mds d’euros) en frais militaires et de reconstruction depuis 2001.

Les négociations entre les talibans et les Etats-Unis, avec l’intermédiaire qatari, ont échoué à plusieurs reprises en raison de la violence qui continue de faire rage en Afghanistan.

Bien que le contenu de l’accord n’ait pas été dévoilé, on s’attend à ce que le Pentagone commence à retirer des troupes d’Afghanistan, où sont actuellement basés entre 12.000 et 13.000 hommes. Les Etats-Unis ont déclaré qu’un premier retrait au cours des prochains mois ferait baisser le nombre de soldats présents en Afghanistan à 8.600.

D’autres retraits pourraient suivre. Ils dépendraient des progrès des pourparlers de paix entre le gouvernement du président Ashraf Ghani et les talibans. Pour le moment, ces derniers considèrent le gouvernement comme une marionnette des Américains.

– « Opportunité historique » –

Les insurgés sont également censés garantir que l’Afghanistan ne sera plus utilisé par des groupes jihadistes tels qu’Al-Qaïda et le groupe Etat islamique (EI) pour lancer des attaques à l’étranger.

L’implantation d’Al-Qaïda sur le sol afghan avec la bénédiction des talibans a été la raison principale de l’intervention américaine du pays.

La signature de l’accord programmée pour samedi intervient après une trêve partielle d’une semaine en Afghanistan destinée à instaurer la confiance entre les belligérants et à montrer que les talibans peuvent contrôler leurs forces.

En dépit d’attaques isolées dans les zones rurales, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a estimé mardi que la période de trêve « fonctionnait ». « Nous sommes à l’orée d’une opportunité historique pour la paix », a-t-il déclaré.

Jusqu’à 30 pays devraient être représentés lors de la signature de l’accord à Doha mais le gouvernement afghan n’enverra pas de délégué.

« Le gouvernement n’est pas là, nous ne faisons pas partie de ces négociations. Nous n’avons pas confiance dans les talibans », a expliqué à l’AFP un responsable afghan.

Les problèmes de confiance entre les deux parties afghanes alimentent le climat de crise politique, et les Etats-Unis refusent de soutenir pleinement la réélection d’Ashraf Ghani, des mois après un scrutin entaché d’allégations de fraude.

– « Fatigué de la guerre » –

Donald Trump a promis à plusieurs reprises de ramener les troupes américaines au pays et de mettre fin aux guerres « stupides » de l’Amérique.

Mais les analystes craignent une situation ingérable. Washington « va déclarer la victoire » et, si des problèmes surgissent, « dira +c’est la faute des Afghans+ », a déclaré à l’AFP Colin Clarke, chercheur au centre de réflexion Soufan Center.

« Quel intérêt les talibans ont-ils à respecter l’accord une fois qu’ils auront obtenu ce qu’ils veulent, à savoir le retrait des Etats-Unis ? », s’est-il interrogé.

Les Etats-Unis et les talibans étaient sur le point de s’entendre après la fin d’un neuvième cycle de négociations mais en septembre 2019, Donald Trump a torpillé le processus après la mort d’un militaire américain dans une attaque à Kaboul attribuée aux insurgés.

L’imprévisibilité du président américain pourrait faire échouer l’accord de Doha à la dernière minute, bien qu’il ait promis de mettre son nom sur un accord si la trêve partielle se prolongeait.

De son côté, le chef adjoint des talibans, Sirajuddin Haqqani, a écrit dans un éditorial paru dans le New York Times la semaine dernière que « tout le monde est fatigué de la guerre ».

« Les meurtres et les mutilations doivent cesser », a ajouté cet homme à la tête du réseau Haqqani, un groupe qualifié de terroriste par les États-Unis et considéré comme la branche la plus sanglante des rebelles.

Julian Assange: l’examen de sa demande d’extradition suspendue jusqu’à mai

La justice britannique a suspendu jeudi jusqu’au 18 mai l’examen de la demande d »extradition du fondateur de Wikileaks Julian Assange, réclamé par les Etats-Unis qui veulent le juger pour espionnage après la publication d’une masse de documents confidentiels.

Les audiences, qui ont commencé lundi et s’achèvent avec un jour d’avance sur le calendrier prévu, reprendront pour trois semaines à partir du 18 mai au tribunal de Woolwich (est de Londres) et la décision de la juge Vanessa Baraitser devrait être rendue à l’été.

L’Australien de 48 ans, qui comparaît dans un box vitré, et se plaint de ne pouvoir s’entretenir comme il l’entend avec ses avocats, s’est vu refuser jeudi de pouvoir prendre place à côté d’eux.

« Je ne peux pas leur donner de consignes », a déclaré jeudi Julian Assange.

« Il m’apparaît que vous n’avez aucun mal à attirer l’attention de vos avocats », a répliqué la magistrate, soulignant qu’il existait un éventail de possibilités, notes écrites et suspensions d’audience, qui pouvaient leur permettre de communiquer comme ils l’entendent.

Julian Assange est poursuivi aux Etats-Unis pour avoir diffusé à partir de 2010 plus de 700.000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan. Il risque jusqu’à 175 ans de prison, en vertu des lois anti-espionnage de 1917 et pour piratage informatique.

Les Etats-Unis lui reprochent d’avoir mis en danger des sources des services américains. De leur côté, les avocats d’Assange dénoncent une procédure politique fondée sur des « mensonges ».

Pour statuer sur la demande d’extradition la justice britannique doit notamment s’assurer qu’elle n’est pas disproportionnée ou incompatible avec des droits de l’Homme.

Assange a été arrêté en avril 2019 après sept ans passés reclus à l’ambassade d’Equateur à Londres, où il s’était réfugié après avoir enfreint les conditions de sa liberté sous caution, craignant une extradition vers les Etats-Unis.

Syrie: 22 soldats turcs tués, risque d’escalade majeure

Au moins 22 soldats turcs ont été tués jeudi dans la province d’Idleb, une escalade brutale qui risque de mettre le feu aux poudres dans le Nord-Ouest de la Syrie en proie à une grave crise humanitaire.

Plusieurs militaires ont par ailleurs été grièvement blessés dans des frappes aériennes attribuées au régime syrien et rapatriés pour être hospitalisés, a déclaré le gouverneur de la province turque de Hatay, frontalière de la Syrie.

Le chef de l’Etat Recep Tayyip Erdogan a convoqué dans la soirée un conseil de sécurité extraordinaire à Ankara, en présence notamment du ministre de la Défense, du chef de l’armée et du patron des services secrets, selon la présidence.

Les lourdes pertes essuyées par Ankara jeudi interviennent après des semaines d’escalade à Idleb entre les forces turques et celles du régime de Bachar al-Assad, qui se sont affrontées à plusieurs reprises.

Les pertes essuyées par la Turquie jeudi, qui portent à au moins 42 le nombre de militaires turcs tués à Idleb en février, risquent en outre de creuser un fossé entre Ankara et Moscou, principal parrain du régime syrien.

Le bilan de soldats turcs tués jeudi pourrait encore s’alourdir, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), une ONG, ayant fait état de plus de 30 morts dans des bombardements aériens et d’artillerie du régime.

Les frappes contre les forces turques risquent de déclencher une ferme riposte d’Ankara, alors que M. Erdogan menace depuis plusieurs jours de déloger par la force les forces du régime de certaines positions à Idleb.

Un nouveau round de pourparlers entre Russes et Turcs visant à trouver une issue à la crise d’Idleb s’est achevé jeudi à Ankara, sans annonce de résultat concluant.

Selon l’agence de presse étatique Anadolu, le chef de la diplomatie turque s’est entretenu jeudi soir avec le chef de l’Otan, Jens Stoltenberg.

– Ville stratégique –

Avec le soutien de l’aviation de Moscou, Damas a déclenché en décembre une offensive pour reprendre le dernier bastion rebelle et jihadiste d’Idleb.

Le régime et son allié russe ont mis les bouchées doubles ces dernières semaines et repris plusieurs localités dans cette province frontalière de la Turquie.

Cependant, les groupes rebelles, dont certains sont appuyés par Ankara, ont contre-attaqué et repris jeudi la ville stratégique de Saraqeb, selon l’OSDH.

Selon un correspondant de l’AFP, les rebelles sont entrés le matin dans cette localité de l’est de la province d’Idleb. Les insurgés se sont déployés en grand nombre dans les rues de la ville en ruines et totalement vidée de ses habitants.

Saraqeb, qui avait été reconquise le 8 février par le régime, se trouve à la jonction de deux autoroutes que le pouvoir veut sécuriser pour consolider son emprise dans le nord du pays.

En reprenant la ville, jihadistes et rebelles coupent l’autoroute M5 reliant la capitale Damas à la métropole d’Alep (nord).

Jeudi, les membres occidentaux du Conseil de sécurité de l’ONU ont réclamé un « cessez-le-feu humanitaire », resté lettre morte face au refus de la Russie.

Sept civils, dont trois enfants, ont péri jeudi dans des bombardements syriens et russes sur la province d’Idleb, d’après l’OSDH.

Depuis décembre, plus de 400 civils ont été tués dans l’assaut selon l’OSDH et plus de 948.000 personnes, dont plus d’un demi-million d’enfants, ont été déplacées d’après l’ONU.

– Désaccord –

A l’ONU, le désaccord reste total entre les pays occidentaux et la Russie.

« Le déplacement de près d’un million de personnes en seulement trois mois, le meurtre de centaines de civils, la souffrance quotidienne de centaines de milliers d’enfants doivent cesser », ont souligné dans une déclaration conjointe le vice-Premier ministre belge, Alexander De Croo, et le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas.

L’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, a jugé pour sa part que « la seule solution à long terme, c’est de chasser les terroristes du pays ».

Le Comité international de Secours a estimé jeudi que « les parties en conflit doivent ressentir la pression pour mettre fin à cet assaut contre les civils ».

« Nous avons un besoin désespéré d’une cessation des hostilités » et de « pauses humanitaires régulières », a martelé la directrice de l’Unicef, Henrietta Fore.

Les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-branche syrienne d’Al-Qaïda) dominent encore la moitié de la province d’Idleb et des secteurs attenants dans celles d’Alep, de Hama et de Lattaquié.

A la faveur de son offensive, le régime a reconquis « tout le sud de la province d’Idleb », a indiqué à l’AFP le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane, ajoutant que « cette progression rapproche le régime de Jisr al-Choughour ».

Pour des experts, la bataille de Jisr al-Choughour risque de s’avérer ardue pour le régime.

La ville est dominée par les jihadistes du Parti islamique du Turkestan (TIP), dont les membres appartiennent majoritairement à la minorité musulmane ouïghoure de Chine.

Déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations pacifiques, la guerre a fait plus de 380.000 morts.

USA: la chef des démocrates au Congrès lance un avertissement à Bernie Sanders

La présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi a lancé jeudi un avertissement au favori des primaires démocrates Bernie Sanders, en martelant qu’un candidat devrait impérativement obtenir une majorité absolue des voix pour décrocher l’investiture du parti et défier Donald Trump.

Après ses bons résultats dans les trois premiers Etats qui ont voté, le sénateur indépendant est, à 78 ans, en excellente position dans la course à l’investiture démocrate pour représenter le parti lors de la présidentielle américaine de novembre.

Mais la route est encore longue jusqu’à la convention démocrate de juillet, où, selon les règles du parti, un candidat devra afficher une majorité absolue de délégués pour se déclarer vainqueur lors d’un premier tour, et non une majorité simple.

« La personne qui sera nommée sera la personne qui comptera sur une majorité plus un », a souligné la puissante chef des démocrates au Congrès, Nancy Pelosi, lors d’une conférence de presse.

Si elle a martelé que le leitmotiv du parti était « rassemblement, rassemblement, rassemblement » derrière celui ou celle qui sera choisi par le parti démocrate pour briguer la Maison Blanche, ses propos contredisent directement Bernie Sanders.

Ce dernier a en effet affirmé que le candidat « comptant le plus de voix » devrait être désigné pour porter les couleurs démocrates.

« La volonté du peuple devrait l’emporter, oui », a-t-il répondu lors d’un débat démocrate le 19 février, tandis que ses cinq rivaux sur le plateau défendaient les règles du parti, dont l’obligation d’obtenir une majorité absolue.

On dénombre 3.979 délégués qui sont « assignés » aux différents candidats selon leurs résultats dans les primaires.

Si personne n’obtenait la majorité lors d’un premier tour (1.991 voix), ces délégués deviendraient libres de voter pour quelqu’un d’autre. Et quelque 770 « superdélégués », des notables et élus du parti privés de vote au premier tour, entreraient en piste, avec le pouvoir de faire basculer le scrutin.

Les rivaux modérés de Bernie Sanders, qui est trop à gauche à leurs yeux, affirment que sa victoire aux primaires mènerait à un nouveau mandat de Donald Trump.

Les Etats-Unis, un « grand pays », sont assez résistants « pour supporter un mandat de Donald Trump. Mais deux mandats » feraient payer un trop lourd tribut, a mis en garde Nancy Pelosi.

« Il est donc absolument impératif que nous gagnions, et quel que soit notre candidat, il aura notre soutien sans réserve », a-t-elle affirmé.

Coronavirus: l’épidémie à un « point décisif », mesures drastiques en Arabie, au Japon et en Europe

L’épidémie du coronavirus qui se propage désormais bien au-delà de la Chine est entrée dans une phase décisive selon l’OMS, tandis que les mesures drastiques se multiplient dans le monde, l’Arabie saoudite décidant de suspendre l’entrée des pèlerins et le Japon de fermer ses écoles.

Si la Chine était jusqu’à peu l’unique foyer mondial de coronavirus, le risque s’est démultiplié avec l’émergence de nouveaux pays-sources comme la Corée du Sud, l’Iran et l’Italie. La Corée du Sud a fait état à elle seule de plus de 500 contaminations supplémentaires. L’Iran a fait état de 106 contaminations supplémentaires, portant le total à 245, dont 26 morts. En Europe, l’Italie a vu passer le nombre de cas à 650 jeudi, contre 400 mercredi, dont 17 morts.

Et, ailleurs dans le monde, chaque jour est rythmé par les annonces de premier cas. Dernier pays en date, les Pays-Bas ont annoncé le cas d’un patient qui s’était rendu en Italie.

La lutte contre l’épidémie « ne pourra se régler qu’en parfaite coopération européenne et internationale », a souligné, aux côtés du Premier ministre italien Giuseppe Conte à Naples, le président français Emmanuel Macron dont le pays a vu jeudi le nombre de ses cas de contamination au coronavirus passer de 18 à 38, dont deux morts.

« Nous sommes à un moment décisif », a assuré de son côté le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, soulignant qu’au cours des deux derniers jours, le nombre quotidien de nouvelles personnes contaminées dans le monde avait été supérieur à celui enregistré en Chine, où le virus est apparu en décembre.

« Si vous agissez maintenant de manière agressive, vous pouvez endiguer ce coronavirus », a-t-il affirmé.

Près de 79.000 personnes ont jusqu’ici été contaminées en Chine, dont 2.747 mortellement. Le coronavirus touche également une cinquantaine d’autres pays, avec un bilan de plus de 4.000 contaminations et plus de 60 morts.

Par mesure de prévention, l’Arabie saoudite a suspendu « temporairement » l’entrée sur son territoire des pèlerins se rendant à La Mecque.

La mesure concerne l’Oumra, un pèlerinage qui attire chaque mois plusieurs dizaines de milliers de musulmans. Il peut être réalisé à n’importe quelle période de l’année, à la différence du Hajj, effectué à des dates précises du calendrier islamique.

Autre décision radicale, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a demandé la fermeture temporaire des écoles publiques du pays à partir de lundi.

Relativement épargnés jusqu’ici, les Etats-Unis sont prêts à répondre à l’épidémie à « une échelle beaucoup plus grande », a assuré mercredi le président américain Donald Trump.

Les autorités californiennes ont annoncé jeudi qu’elles suivaient quelque 8.400 personnes pour s’assurer qu’elles n’étaient pas porteuses du nouveau coronavirus, tout en cherchant l’origine de la contamination d’une personne qui a contracté la maladie sans voyager dans une zone à risque.

– Amélioration en Chine –

Autre foyer, l’Iran a rapporté jeudi sept nouveaux morts, portant le total à 26. Hors de Chine, c’est le plus lourd bilan en termes de décès.

Comme l’Arabie saoudite, la Chine, qui a pris des mesures de prévention drastiques sur son sol en confinant plus de 50 millions de personnes au Hubei (centre), s’inquiète désormais de cas « importés » d’autres pays.

La ville de Pékin a annoncé mercredi que les personnes arrivant en provenance d’Etats « gravement touchés » par le coronavirus devraient désormais se placer en quarantaine pendant 14 jours.

L’épidémie Covid-19 semble toutefois avoir déjà atteint un pic en Chine, où le nombre de nouveaux décès quotidiens continue à chuter. Les autorités ont annoncé jeudi seulement 29 morts supplémentaires — le chiffre le plus bas depuis près d’un mois.

– L’Italie nouveau foyer –

Mais d’autres pays inspirent davantage d’inquiétude. Notamment l’Italie, qui apparaît de plus en plus comme une plateforme de diffusion du Covid-19.

Le virus est ainsi arrivé au Brésil, épargné jusqu’ici, en y entrant via un Brésilien de retour d’Italie. La Grèce, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Croatie, l’Autriche, le Danemark, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas ont toutes fait état d’au moins une personne contaminée après un séjour dans la péninsule.

L’Afrique n’est plus épargnée, même si le nombre de cas reste étrangement bas. Un Italien arrivé le 17 février en Algérie est devenu la deuxième personne infectée du continent, après un premier cas en Egypte.

De nombreux Etats européens ont renforcé leur dispositif de prévention et conseillent à leurs citoyens de ne pas se rendre dans les régions italiennes touchées.

Rome a pris des mesures draconiennes, dont la mise en quarantaine de 11 communes du Nord, poumon économique du pays.

« Le problème, c’est l’économie. On voit les chiffres, cette crise est en train de mettre le pays à genoux », s’inquiète Daniele Vaccari, pâtissier à Secugnago, un village du Nord.

– « Affronter au mieux » –

Ailleurs en Europe, de nombreux pays comme la Suisse, la Norvège, le Danemark, la Roumanie, ou la Macédoine du Nord sont désormais touchés. L’Estonie a annoncé jeudi un premier cas, un Iranien résidant dans le pays balte.

« On a devant nous une épidémie » qu’il va falloir « affronter au mieux », a déclaré jeudi le président Macron, au lendemain de l’annonce d’un premier mort français, un homme qui n’avait pas voyagé dans une zone à risque.

Dans un contexte d’inquiétude croissante en Europe, les principales Bourses du continent ont fini en forte baisse: de Paris (-3,32%) à Londres (-3,50%), de Francfort (-3,19%) à Madrid (-3,55%) ou encore Amsterdam (-3,75%). L’indice vedette de la Bourse de New York, le Dow Jones, a accéléré ses pertes en toute fin de séance pour s’effondrer de plus de 1.000 points, ou 4,4%. Il a plongé de plus de 11% depuis le début de la semaine.

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A Naples, Macron et Conte affirment « la solidarité européenne » face au coronavirus

Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre italien Giuseppe Conte ont affirmé jeudi que la « solidarité européenne » était indispensable pour lutter contre le coronavirus tout en rejetant les appels à fermer les frontières, que ne « connaît pas le virus.

« L’Europe a montré qu’elle était mobilisée, elle doit continuer à l’être », a déclaré Emmanuel Macron à l’issue du 35e sommet franco-italien à Naples (sud). Car la lutte contre l’épidémie « ne pourra se régler qu’en parfaite coopération européenne et internationale », a-t-il ajouté en rappelant que les ministres de la Santé européens s’étaient réunis la veille à Rome.

« Notre responsabilité nous impose de travailler ensemble », a renchéri Giuseppe Conte, en soulignant que « cette urgence sanitaire affectera à terme des pays qui ne sont pas touchés actuellement ».

Pour les deux dirigeants, il faut surtout gérer cette crise avec « sang froid », en « gardant son calme » et en prenant les décisions « à la lumière de ce que les scientifiques et les médecins nous disent ». « Loin de toute polémique », a insisté Emmanuel Macron, interrogé par la presse sur les appels de certains responsables, dont Marine Le Pen en France, à renforcer les contrôles aux frontières, voire à les fermer.

« N’en déplaise à certains, le virus ne connaît pas ces limites administratives » que sont les frontières, a ironisé M. Macron.

Les pays voisins de l’Italie ont décidé cette semaine de maintenir ouvertes leurs frontières, alors que la péninsule est le pays européen le plus touché avec 650 cas de personnes positives au virus et 17 morts. Mais les cas avérés de contagion ont été ramenés à 282.

Pour limiter l’épidémie, Rome a pris des mesures drastiques en plaçant onze villes en quarantaine dans le Nord, en Lombardie et Vénétie.

En France, le nombre de personnes infectées a connu jeudi une « augmentation sensible » en passant à 38 cas confirmés « à 19 heures » contre 18 la veille.

Emmanuel Macron était arrivé en Italie après une visite organisée à la dernière minute à l’hôpital parisien où est décédé mercredi le premier Français victime du coronavirus. « On a devant nous une crise, une épidémie qui arrive (…) On va devoir l’affronter au mieux », a-t-il prévenu.

Avant le sommet, Giuseppe Conte et Emmanuel Macron ont déambulé, comme si de rien n’était, dans le centre historique de Naples sous un beau soleil de printemps. Aucun masque de protection dans leur entourage, pas plus que chez les habitants et les touristes croisés dans les rues.

Alors que les villes italiennes du Nord, comme Milan, sont désertées par les étrangers, le chef de la diplomatie italienne Luigi Di Maio a appelé « les touristes et les entrepreneurs » à revenir dans la péninsule puisque « les enfants vont à l’école », à part dans les régions les plus touchées.

– le sommet de la « relance » –

La crise du coronavirus a en bonne partie éclipsé les autres dossiers au menu du 35e sommet franco-italien, le premier depuis celui de Lyon (centre-est de la France) fin 2017.

Emmanuel Macron comme Giuseppe Conte en ont fait « le sommet de la relance » des relations bilatérales après les vives tensions ayant marqué l’arrivée d’un gouvernement populiste à Rome en 2018.

Pendant plus d’un an, une guerre des mots a opposé Rome et Paris, l’ex-ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini fustigeant « l’arrogance » et « l’hypocrisie » d’Emmanuel Macron, qui dénonçait en retour « la lèpre nationaliste » symbolisée par le leader d’extrême-droite.

Ces tensions se sont envolées depuis l’avènement, en septembre dernier, d’un gouvernement de coalition entre le Mouvement 5 Etoiles (M5S, anti-establishment) et le Parti démocrate (centre gauche), Matteo Salvini retournant dans l’opposition.

Le sommet – auquel ont participé 11 ministres français et 12 italiens – a acté la « convergence » franco-italienne sur de nombreux dossiers: l’accueil des migrants, l’avenir de la zone euro, la Libye ou les autres crises internationales comme celle en Syrie, Emmanuel Macron accusant de nouveau le régime de Bachar al-Assad et ses alliés de « scandale humanitaire » à Idleb.

Sur le plan bilatéral, Rome et Paris ont signé un accord de soutien à la coentreprise de construction navale militaire Naviris, récemment créée par l’italien Fincantieri et le français Naval Group. Et ils ont exprimé le souhait qu’avance le projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin, qui devrait être financé à 50% par des fonds européens.

Emmanuel Macron a exprimé le souhait que cette « entente retrouvée » entre deux membres fondateurs de l’UE se concrétise par la finalisation, dans les prochains mois, du Traité du Quirinal (nom du siège de la présidence italienne), annoncé en 2017 pour donner « un cadre plus stable et ambitieux » à la coopération franco-italienne.

César: les femmes encore loin du haut de l’affiche

Hormis les costumières et les monteuses, les femmes restent très minoritaires au palmarès des César, un manque de parité qui devrait perdurer vendredi lors d’une 45e édition à la sélection très masculine.

– A peine mieux que les Oscars –

Actrices, réalisatrices, productrices, costumières, cheffes décoratrices, scénaristes, monteuses… Les femmes n’ont glané, depuis la première cérémonie en 1976, qu’un gros quart des César (27,4%), selon une base de données de l’AFP.

La proportion de lauréates chute même de 10 points, à 17,9%, dans les catégories mettant hommes et femmes en compétition (en excluant donc les récompenses remises à des acteurs par genre). Les César font à peine mieux que les Oscars américains, dont 17,3% ont été attribués à des femmes sur la période, selon une autre base de données de l’AFP.

En France, la parité ne fut atteinte qu’une seule fois, en 2000, année où neuf César sur 18 furent attribués à des femmes (hors César d’honneur).

Cette 25e cérémonie fut doublement exceptionnelle, puisqu’elle consacra Tonie Marshall, seule femme à ce jour à avoir remporté le prestigieux César du meilleur réalisateur, pour « Vénus Beauté (Institut) ». Céline Sciamma (« Portrait de la jeune fille en feu ») pourrait la rejoindre cette année, mais elle aura fort à faire face à sept concurrents masculins.

Cette année, les femmes représentent en moyenne 23% des nommés dans les catégories mixtes.

L’Académie des César, chargée de les départager, compte actuellement 35% de femmes parmi ses 4.700 membres. Mais une réforme est engagée pour tendre vers la parité d’ici aux César 2021.

– Costumières et monteuses –

Comme aux Oscars, c’est dans la catégorie des meilleurs costumes que les femmes sont les mieux représentées, avec 71% des récompenses.

Les femmes dominent également le palmarès du meilleur montage, dont elles ont raflé 64% des César. En comparaison, les femmes sont très minoritaires (18%) dans cette catégorie aux Oscars.

A elle seule, Juliette Welfling, monteuse indissociable de l’œuvre du réalisateur Jacques Audiard, a été primée à cinq reprises, notamment pour « Un prophète » (2010) et « De battre mon cœur s’est arrêté » (2006).

– Ailleurs, les femmes quasi-absentes –

A l’instar de Tonie Marshall chez les réalisateurs, une seule femme a été primée dans la catégorie de la « meilleure musique originale »: la Caïta, récompensée en 2001 au côté de trois hommes pour la bande originale flamenco de « Vengo » du réalisateur Tony Gatlif.

Les femmes sont aussi quasi-absentes du palmarès dans les catégories « meilleur son » (3,6%), « meilleure photographie » (5,1%) et « meilleurs décors » (8%).

Elles ne représentent que 12,2% des réalisateurs et producteurs récompensés dans la catégorie reine du « meilleur film », et ne sont guère mieux représentées pour les films d’animation (14,6%), documentaires (15,5%), premiers films (18%) et courts-métrages (18,1%).

Les femmes culminent à 23% dans les catégories distinguant les scénarios.

– Les quinquas en force –

Historiquement, les chiffres mettent en évidence une prime à la jeunesse pour les actrices, qui ont en moyenne six ans de moins que leurs homologues masculins quand elles sont couronnées pour un rôle principal.

Mais ce n’est plus vrai dans la période récente: sur les onze dernières cérémonies, les César ont récompensé à dix reprises une meilleure actrice plus âgée que le meilleur acteur.

Et sept actrices de plus de 50 ans ont décroché depuis 2005 la récompense suprême, parmi lesquelles Isabelle Huppert (2017), Catherine Frot (2016) et Isabelle Adjani (2010). Ce n’était arrivé que deux fois auparavant.

Risque de « crise humanitaire majeure » au Zimbabwe, selon le FMI

Le Zimbabwe est confronté à un risque de « crise humanitaire majeure », selon le Fonds monétaire international (FMI), qui table pour 2020 sur une croissance quasi-nulle de son économie et la persistance d’une grave insécurité alimentaire.

« Dans la perspective d’une nouvelle récolte insuffisante, la croissance devrait tourner autour de zéro et les pénuries de nourriture continuer », a écrit jeudi le FMI.

« Si le budget 2020 (du pays) inclut une hausse significative des dépenses sociales, elle ne suffira probablement pas à satisfaire tous les besoins. Faute d’une hausse de l’aide, les risques d’une crise humanitaire majeure sont élevés », a ajouté l’institution financière après sa dernière inspection dans le pays.

Le Zimbabwe est englué depuis vingt dans une crise économique sans fin, qui s’est récemment aggravée avec le retour de l’hyperinflation, des pénuries de produits de base et des coupures d’électricité généralisées.

Comme le reste de l’Afrique australe, le pays souffre en outre d’une grave sécheresse qui pèse sur les récoltes.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies estime que la moitié de ses 15 millions d’habitants se trouve actuellement en situation de grave insécurité alimentaire.

Malgré ses promesses maintes fois répétées, le président Emmerson Mnangagwa, qui a succédé fin 2017 à l’autocrate Robert Mugabe, ne parvient pas à redresser le pays.

Il y a un an, la hausse des prix de l’essence avait provoqué des émeutes meurtrières, sévèrement réprimées par le régime.

Dans sa déclaration, le FMI a exhorté le Zimbabwe à renouer au plus vite avec la communauté internationale afin d’obtenir la levée des sanctions qui le frappent depuis l’ère Mugabe.

L’aide humanitaire prise entre deux feux au Cameroun anglophone

Humanitaires kidnappés, convois pillés, civils attaqués lors des distributions alimentaires: au Cameroun anglophone, ravagé par de sanglants combats entre militaires et rebelles indépendantistes mais aussi les exactions et crimes des deux camps, porter assistance aux civils est de plus en plus périlleux.

En une semaine, trois distributions dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont été empêchées, voire endeuillée, selon des témoignages recueillis au téléphone par l’AFP.

Le 19 février, un homme de 29 ans a été tué par balle à Ekona, dans le Sud-Ouest, par des militaires qui ont attaqué des villageois attendant des rations alimentaires d’une ONG partenaire du Programme alimentaire mondial (PAM), selon cette agence de l’ONU et des témoins.

« Nous étions 220 déplacés sortis de la brousse où nous nous cachons, quand dix militaires sont arrivés et nous ont frappés », raconte l’un d’eux, sous couvert de l’anonymat, ajoutant: « Ils ont mis de côté sept hommes, qu’ils suspectaient d’être des séparatistes, et ont tiré dans la jambe d’un jeune, qui s’est vidé de son sang ». Un meurtre confirmé par un autre villageois et le responsable d’une organisation humanitaire régionale.

Ce sont des « tentatives de désinformation » qui visent « à ternir l’image de nos forces », a réagi auprès de l’AFP le porte-parole de l’armée, le colonel Cyrille Atonfack Guemo.

Selon lui, le camion du PAM aurait été pris « accidentellement entre deux feux », militaires contre « terroristes sécessionnistes ». « Il est inconcevable que l’armée, dont la mission est de travailler à l’amélioration des conditions de vie (…), s’oppose en même temps au travail des organisations humanitaires », affirme l’officier.

– Traces de torture –

Selon un des témoins, les « mêmes soldats » avaient déjà attaqué une distribution au même endroit deux mois plus tôt. « Le 24 décembre, un volontaire de l’ONG a été arrêté, retenu dans une gendarmerie, et son corps, présentant des traces de torture, a été retrouvé début janvier », a confirmé à l’AFP un responsable d’un organisation humanitaire, qui ne veut pas être nommé.

Le 20 février, c’est une distribution de Caritas à Bafmeng, dans le Nord-Ouest, qui a essuyé une attaque, d’un groupe armé cette fois. Environ 70 personnes, dont 50 enfants, ont dû se réfugier dans le camion de l’ONG qui a quitté précipitamment les lieux, témoigne son directeur au Cameroun, le père Paul Njokikang.

Le prêtre assure aussi qu’il a été pris en otage par des groupes armés séparatistes à trois reprises au cours d’opérations humanitaires et détenu 24 heures par l’armée.

Dans la même région, en novembre, un humanitaire avait été tué par des hommes armés, selon l’ONU.

L’aide médicale n’est pas épargnée: le 19 février, des militaires ont poursuivi une voiture jusque dans l’enceinte d’un hôpital soutenu par Médecins sans frontière (MSF), dans le Nord-Ouest. Sur le parking réservé aux ambulances, un des militaires a ouvert le feu tuant le conducteur, selon l’ONG.

« Le soldat a été immédiatement mis aux arrêts » et « une enquête aussitôt ouverte », plaide le ministère de la Défense.

MSF a appelé « toutes les parties prenantes (…) au respect absolu des installations médicales, des ambulances, du personnel médical et des patients », rappelant que ses équipes « ont fait l’objet de menaces régulières, notamment d’intimidation armée, de la part des différentes parties ».

« Nous sommes pris entre deux feux », se plaint aussi Ayah Abine, président de l’ONG camerounaise Ayah Foundation.

– Kidnappé trois fois –

« J’ai été menacé par des militaires » en apportant l’aide à des réfugiés, explique-t-il, ajoutant: « des groupes armés ont aussi kidnappé des membres de mon ONG trois fois ».

M. Abine a été convoqué le 20 février chez les gendarmes à Yaoundé, suspecté de livrer des armes aux séparatistes, puis relâché sans poursuites.

Plusieurs responsables d’ONG internationales ont assuré à l’AFP que Ayah Foundation était neutre. « C’est de l’intimidation », commente l’un d’eux.

Il émerge « un sentiment de méfiance vis-à-vis de certaines organisations humanitaires, dont des actes contribuent à installer le doute quant à leur intégrité », réagit le colonel Atonfack. « Des ambulances appartenant à MSF ont été retrouvées transportant des combattants armés ainsi que des armes et munitions », accuse-t-il.

MSF « réfute de la façon la plus catégorique qui soit ce type d’accusations, graves et dangereuses pour nos patients et nos équipes », s’emporte l’ONG internationale auprès de l’AFP, assurant que ses « ambulances ne servent qu’à transporter des patients non armés, ayant besoin de soins immédiats, sans discrimination ».

« Un grand nombre d’incidents contre des humanitaires sont rapportés, des convois pillés, des kidnappings… Or l’aide est déjà en deçà des besoins », s’inquiète Jérôme Fontana, chef des opérations du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Cameroun.

Depuis trois ans, le conflit a fait plus de 3.000 mort et forcé près de 700.000 personnes à fuir leur domicile. La majorité des écoles et centres de santé ont fermé. Des villages entiers ont été brûlés.

« Nous vivons dans la peur, dans la brousse avec les animaux sauvages, où des femmes accouchent. Il n’y a ni eau potable, ni nourriture décente », s’émeut un des déplacés d’Ekona, qui a peur se rendre aux distributions d’aide.

Dans les deux régions, seuls 32,17% des besoins humanitaires ont été financés en 2019, selon l’ONU. Mais « le principal obstacle n’est pas financier, c’est le manque de sécurité », assène M. Fontana.